Titres séduisants, jaquettes attrayantes, quatrièmes de couverture soignées, l’univers de la littérature traditionnellement appelée « littérature jeunesse » frappe par sa diversité et sa densité. Il y en a pour tous les goûts et pour tous les âges sans exception. Au cours des trente dernières années, la littérature en direction des plus jeunes a évolué de façon spectaculaire. Avec la reconnaissance d’un nouveau public exigeant et versatile, les adolescents et jeunes adultes, émerge une littérature nouvelle, aussi riche que variée. Grâce à sa multitude de thématiques, de styles, de formes… les lecteurs ne sont pas en reste et il y a de quoi plaire à tout le monde.

Conquérir et fidéliser :
 
Cette diversité est encouragée par les maisons d’éditions de tous les horizons qui se démènent avec une ingéniosité grandissante pour satisfaire l’appétit de son nouveau public et le fidéliser. Et le succès est indéniable, ces romans font fureur, et le public est de plus en plus investi ! Un évènement majeur de l’année littéraire se trouve être… le Salon du livre et de la presse jeunesse, qui rassemble plus de visiteurs d’année en année. Là, déambulent des bandes d’adolescents arborant badges, posters et marques pages clamant le succès de leurs romans favoris, serrant contre leur cœur leurs dernières découvertes et cherchant à dénicher parmi les rayons de nouvelles pépites, avec l’œil aguerri d’un chercheur d’or.
 
Sérieux et divertissement, une combinaison séduisante :
 
On s’éloigne à présent du simplissime roman de divertissement ou de la visée morale originelle pour aborder avec sensibilité et ouverture d’esprit une nouvelle ère, révolutionnaire, engagée, libérée. Sous jacent les trames plaisantes des ouvrages, les auteurs offrent une lecture du monde, un moyen pour les adolescents d’affronter indirectement le passage à l’âge adulte, un soutien pour vivre leur évolution. La littérature est un lieu sécurisant pour parler des inquiétudes et des questionnements que les jeunes se posent tout en offrant des histoires vivantes et captivantes. Il y en a pour tous les goûts et les thématiques s’élargissent et s’adaptent à la demande.
 
Ainsi, depuis Harry Potter, on assiste à une recrudescence d’intérêt pour le domaine du fantastique. S’ensuit toute la mouvance « vampiresque » à laquelle on assiste aujourd’hui. Qui veut y lire une simple histoire divertissante se trouvera satisfait ; mais un lecteur attentif y trouvera, subtilement distillées, des opinions engagées ou des réflexions fondamentales. Les romans de Pierre Bottero par exemple réinvestissent ce souci de partager des valeurs essentielles et d’ouvrir le lecteur au monde. Cet ancien instituteur aborde les questions d’amitiés, d’amour, de partage, de souffrance et de mort mais des thèmes plus actuels tels que l’écologie, l’égalité ou le féminisme ne sont pas en reste. 
 
Si les ouvrages fantastiques qui abreuvent les présentoirs des librairies présentent de grandes qualités, on ne saurait réduire la littérature adolescente à cela sans trahir son essence. En effet le renouveau n’est pas neuf si l’on peut dire et depuis les années 90 on a vu émerger de véritables bijoux qui abordent des thèmes fondamentaux avec finesse et conviction : Gallimard faisait fureur dès 1997 avec Junk de Melvin Burgess. Il y aborde la question de la toxicomanie chez les adolescents et les jeunes adultes sous la forme de témoignages. Les chapitres proposent, avec une perspective originale et percutante, les points de vue des personnages à travers le prisme de leurs personnalités différentes. Dans la même veine, Oh ! Boy ! de Marie-Aude Murail devient dès sa sortie un ouvrage de référence pour aborder des thèmes difficiles comme le suicide, la maladie, l’adoption et l’homosexualité. Les maisons d’éditions exploitent stratégiquement ce filon et très vite émergent des collections « ouvertes » qui ne portent pas l’estampillage « jeunesse », comme Scripto chez Gallimard.
 
Le décloisonnement de la littérature :
 
Les écrivains accompagnent cette tendance, le roman se « défige » et les créations romanesques s’adressent à tous, les clivages s’estompent. Pierre Bordage, grand maître de la science fiction, traditionnellement perçu comme un auteur pour adulte, dit de Wang qu’il « a un succès beaucoup plus important chez le public adolescent ».
La littérature s’ouvre et les frontières entre les générations s’atténuent. S’il existe toujours un certain attachement aux œuvres traditionnelles, une majorité du lectorat se plaît à pénétrer ces nouveaux horizons. Ne rencontrons-nous pas bien souvent dans le métro des adultes plongés dans un des best seller estampillé « jeunesse » ? Oui, les temps ont bien changé et la littérature jeunesse a bien grandi ! A découvrir ou redécouvrir…
 
Soria Dworjack