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Clichés secrets en Scandinavie

Comment la découverte d’une simple photo peut-elle bouleverser la vie d’un jeune homme, de toute une famille, et même de tout un village ? Voyage dans le froid et dans l’histoire.


Timo Laaksonen, jeune écrivain finlandais de vingt-trois ans habite un chalet dans le sud de la Laponie. Après trois heures de route dans la neige, nous l’y avons rencontré. Là-bas, dans un blanc immaculé, les pins semblent vouloir toucher le ciel. En approchant, nous reconnaissons ce qui semble être le domaine du roman : la maison au bord de l’eau sur la jaquette n’est autre que celle de l’auteur. Le romancier n’est pas peu fier de son héritage familial. Une pipe au coin des lèvres, il semble venir d’un autre temps. Pourquoi écrit-il ? « Pour pallier l’ennui, répond-il, regardez autour de vous, il n’y a rien. »


Un polar familial

Lorsque Timo Laaksonen publie son premier roman, Sulaminen kuvat, dans son pays, il a vingt-deux ans et remporte bientôt tous les prix de Scandinavie. Il est notamment salué par différents romanciers nordiques reconnus (Jorn Riel, Jostein Gaarder, Kristín Marja Baldursdöttir, etc.) et se trouve rapidement propulsé en tête des ventes. Sa force est de dessiner des personnages dont l’épaisseur nous séduit. Mêlant fiction et histoire, il créé un univers romanesque puissant.
Un jour qu’Olli, le personnage principal de Sulaminen kuvat, traîne dans le grenier, il découvre une boîte en métal, gardienne de vieilles photos. Sur l’une d’elle, son défunt grand-père entouré de soldats russes. Aurait-il été un partisan soviétique ? Comme toujours, il se heurte au mutisme de son père et de sa grand-mère. D’ailleurs, connaît-il seulement le timbre de leurs voix ? Il lui semble que son père n’est capable que de sons gutturaux.
Le premier roman du Finlandais relève à la fois de l’art du polar et du roman familial. Dans son investigation, Olli apprend l’existence, dans son village, d’un commerce clandestin d’alcool ; certains n’ont pas hésité à vendre des membres de leur famille pour des traitements de faveur, et sont devenus proxénètes ou pédophiles. En rencontrant les habitants du village, Olli relie progressivement les pièces du puzzle, jusqu’à découvrir un lourd secret de famille.
Et lorsque tout explose, c’est une véritable Fonte argentique des glaces. Tout se déverse, simplement. Et Olli remonte à la source : le boulanger, le paysan, la couturière le mènent à sa grand-mère et à cette photographie. Ce tableau est suspendu à un fil aussi fin qu’inattendu et le dénouement permet d’élucider des crimes de guerre longtemps enfouis. On peut le lire comme l’héritier d’Arnaldur Indridason, l’auteur de polars islandais, qui relie avec talent les différentes intrigues de ses romans en une seule et unique affaire. Du reste, l’auteur ne cache pas ses influences, même s’il affirme : « J’ai mis beaucoup de moi-même dans ce roman. Et cela m’effraie d’ailleurs. » Les touches autobiographiques sont manifestes. Le poids de l’histoire semble peser sur ces auteurs finlandais. Le roman de Timo Laaksonen n’est pas sans rappeler celui de Sofi Oksanen, Purge (Stock), ou encore celui d’Arto Paasilinna, Sang chaud, Nerfs d’acier (Denöel). Et Laaksonen n’a pas à rougir d’une telle comparaison.


Une écriture de glace

Son art repose sur une écriture simple, équilibrée et sans pathos. Il dépeint avec finesse des sentiments forts et poignants, à la manière du norvégien Per Petterson. Ses personnages vivent à travers ses mots et son style photographique nous donne à voir des paysages et des décors figés à couper le souffle.
Le roman est porté tour à tour par ces images et ses dialogues, dans une harmonie parfaitement maîtrisée. L’intrigue sonne juste et tient son lecteur en alerte jusqu’à la dernière ligne, qui ne vous laissera pas de marbre.
À noter que Timo Laaksonen est l’un des invités du Salon du livre de Paris 2011 qui met les pays du Nord à l’honneur. Une rencontre à ne pas manquer.


La Fonte argentique des glaces (Sulaminen kuvat), Timo Laaksonen,
Traduit du finnois par Sébastien Cagnoli,
276 p., « La Cosmopolite », Stock, 17 €
 

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