« Hans Hartung » : des lignes de joie exposées à la BNF
jeu, 01/13/2011 - 08:07 | Ajouter un commentaire
L’exposition célébrant l’artiste Hans Hartung s’achève ce week-end. Représentant majeur de la peinture abstraite, il l’a enrichie de grandes séries de gravures et d’estampes.
Délaissant la file d’attente de plusieurs mètres qui se presse à la la BNF (Bibliothèque nationale de France), pour voir « La France de Depardon », passez tranquillement votre chemin. Jusqu’à l’entrée de l’exposition « Hans Hartung », où vous ne trouverez personne, sinon le vide et l’espace. Deux termes qui caractérisent au mieux l’œuvre de l’artiste. Hans Hartung a marqué l’histoire de l’art abstrait, particulièrement des années 1950 jusqu’à la fin de sa vie en 1989. Son œuvre est surtout connue pour ses dessins composés de lignes, de stries, qui occupent l’espace et le justifient.
La BNF, ici, se concentre sur les estampes. Et on comprend vite que l’artiste a touché à de nombreux procédés de gravure : notamment l’eau-forte (gravure sur plaque de métal avec un acide) et la lithographie (tracé au crayon ou à l’encre sur pierre). La Bibliothèque propose une partie de sa propre collection d’estampes dont 344 proviennent d’une donation de la Fondation Hartung-Bergman. Et organise cet ensemble sous forme chronologique. On peut profiter des estampes des années 1940 où l’artiste s’est essayé au graphisme figuratif. La finalité muséographique est légitime : mettre en regard les différentes formes artistiques qu’a touchées Hans Hartung. On peut donc apprécier des huiles sur toiles, deux photographies, des vinyliques et acryliques sur toiles, véritables bijoux de cette exposition. Et des toiles originales ayant servi à réaliser ces estampes, travaillées avec divers matériaux (pastels, fusains, mines de plomb, etc.)
D’une œuvre à l’autre se répondent différents thèmes. L’artiste s’amuse avec les couleurs : des teintes de noir dont le noir-indigo – l’indigo étant sa couleur préférée –, du blanc marquant les vides sur la toile, des bleus, jaunes et rouges comme les traces d’un geste précis. On pense nécessairement au travail sur le noir comme matière de Pierre Soulages (exposé à Beaubourg en 2010), dont il a été un modèle. Hartung joue donc avec les lumières, par le moyen des lignes tracées dans différentes couches de peinture ou sur la gravure, avec différents objets (stylet, burin, marteau, etc.) Ces lignes sont un symbole. Elles représentent un chemin vers quelque chose, un ailleurs. La photographie « Minox 127-43 » (1968), proposée en format à la française (vertical), montre un ensemble de lignes enchevêtrées, en profondeur, et un avion en arrière-plan. On n’est pas loin du symbole du voyage. L’artiste privilégiait le geste spontané, rapide. Pour la réalisation de ses premières œuvres, il dessinait les yeux fermés. Il y a quelque chose de l’inconscient dans ces toiles. Les tourbillons de lignes évoquent une violence s’exprimant par le geste, contenue sur le support.
Les couleurs sombres devraient suggérer une forme de tristesse. Pourtant, un effet dans le jeu des formes inspire une joie festive, comme coulant le long de ces lignes. Sans doute les choix muséographiques laissent place à l’imaginaire. La sobriété et la quasi-absence d’explication sur les œuvres laissent le spectateur dans l’inconnu. Le point est mis sur l’aspect esthétique. Encore quelques indications biographiques justifient-elles la division en quatre salles. Chacune est agrémentée d’une citation de l’artiste sur son travail : « La gravure a un caractère un peu agressif, acide, même quelque fois coupant : j’aime beaucoup couper, gratter, maltraiter une matière si je peux, y laisser la trace exacte et précise de ces actions. »
« Hans Hartung », jusqu’au 16 janvier 2011 à la BNF, Tolbiac.
Gwendal Fossois