Pour son huitième long-métrage, Tim Burton a décidé de s’attaquer à une célèbre légende américaine

L’action du film se déroule en 1799 dans une campagne déserte du Nord-Est des États‑Unis, où une série de meurtres particulièrement sanglants est commise : les victimes sont décapitées, mais les têtes ne sont pas retrouvées. Tous les habitants du Val dormant (traduction de Sleepy Hollow) sont unanimes : le coupable est le cavalier sans tête. Mais qui commet réellement ces atrocités ? Et pourquoi ? C’est à l’inspecteur Ichabod Crane (interprétation magistrale de Johnny Depp) que va être confiée la lourde tâche de trouver les réponses à ces questions. Ichabod Crane, curieux personnage à la fois fort et fragile, hanté par la mort de sa mère, incarne les idées modernes et rationnelles. Sa foi envers la science sera ébranlée par le surnaturel auquel il sera confronté à Sleepy Hollow. Sur le chemin de son enquête, il croisera la belle Katrina Van Tassel, incarnée par l’excellente Christina Ricci (le rôle lui sied à merveille). Pratiquant la magie, elle ravivera chez Ichabod le souvenir de sa mère défunte. D’abord personnage de jeune femme romantique, elle deviendra plus énigmatique à partir du moment où Crane la soupçonnera d’être l’instigatrice du complot à l’origine des meurtres.

          Pour ce nouveau film, le réalisateur a choisi d’adapter l’un des textes fondateurs de la littérature fantastique américaine, The Legend of Sleepy Hollow, écrit en 1820 par Washington Irving. Ce conte ne pouvait que séduire le réalisateur, qui développe dans le film les univers et les ambiances délicieusement gothiques qu’on lui connaît. Dès le début, le spectateur est transporté dans un monde à la fois enchanté et macabre, beau et terrifiant dont seul Burton a le secret. On est bien loin des mondes de Disney pour lesquels il dessinait à ses débuts ! Avec une extrême précision, il conçoit et dessine toutes les scènes qu’il souhaite faire apparaître à l’écran. Le film a été tourné à 90 % en studio et pourtant, les décors sont saisissants de réalité (même les insectes et oiseaux qui avaient fini par y élire domicile durant le tournage s’y sont fait prendre !)

          Parmi les séquences remarquables, on peut évoquer sans hésitation celles dans lesquelles le cavalier collectionneur de têtes traverse littéralement un arbre pour se rendre auprès de ses victimes et assouvir ses cruelles pulsions. Cet arbre maléfique et torturé, dans lequel on reconnaît bien la patte du maître Burton, symbolise ainsi une porte entre deux mondes : entre réalité et illusion, entre raison et fantasme. Remarquons que dans L’Étrange Noël de M. Jack (que Burton a produit et non pas réalisé comme beaucoup le pensent), cette thématique de l’arbre comme lien entre plusieurs mondes avait déjà été exploitée. En effet, la porte d’entrée du monde de Halloween (auquel appartiennent les héros du film) est un arbre dont le tronc est marqué d’une citrouille aux yeux effrayants.

          Sans surprise, la troisième collaboration entre Burton et Depp séduit à nouveau. La complicité entre les deux hommes est si forte qu’elle transparaît presque à l’écran. L’acteur égale et même dépasse ce qu’il fit pour Burton dans Edward aux mains d’argent et Ed Wood. Depp s’imprègne avec une facilité déconcertante du caractère et des émotions du personnage d’Ichabod, homme capable de disséquer des cadavres sans s’émouvoir, mais criant comme une petite fille à la vue d’une araignée, prêt à combattre un être démoniaque mais terrorisé par ses cauchemars. À ce jeu parfaitement maîtrisé, il faut ajouter les interventions de Burton qui se plaît à asperger l’acteur de sang dès qu’il en a l’occasion et le fait s’évanouir de façon grotesque à plusieurs reprises. Les deux artistes introduisent ainsi, dans la trame de cette sombre et inquiétante histoire, un humour qui, parce qu’il est inattendu, n’en est que plus savoureux.

          Pendant les cent cinq minutes du film dans lesquelles le suspens est omniprésent, on a un peu peur et on se réjouit en permanence. Burton a apporté un soin tout particulier à la scène dans laquelle la vérité éclate, puisque celle-ci est minutieusement expliquée et décortiquée, comme si le réalisateur chevelu ne voulait laisser aucune zone d’ombre dans l’esprit de son spectateur. Ces éclaircissements sont nécessaires car dans le sinistre village, les secrets sont entremêlés de la même manière que les arbres sont enchevêtrés dans la sombre forêt du Val dormant.

          Tim Burton nous a habitués à ses merveilles : Sleepy Hollow ne déroge en aucun cas à la règle.

Sleepy Hollow, réalisé par Tim Burton, sortie française le 9 février 2000.

 

Morgane Sirot

 

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