Pudding et Tchaïkovski
mar, 02/01/2011 - 23:07 | Ajouter un commentaire
Pour son premier film – très réussi – Stephen Daldry livre une fable sociale dans laquelle un jeune garçon, fils de mineur, fait une rencontre inattendue, celle de la danse classique. Face aux préjugés d’une Angleterre des années 80 revendiquant la virilité comme une valeur d’âme, Billy Elliot va apprendre la difficulté d’assumer ses choix.
Durham Coalfield (Angleterre), 1984. Le jeune Billy vit avec son père et son frère, tous deux mineurs comme le reste des hommes de la région, et une grand-mère qui perd de plus en plus la tête. Sa mère est morte et avec elle, tout espoir de légèreté et d’insouciance pour cette famille. Encouragé par son père, Billy va à la boxe après l’école. Il s’intéresse peu à cette discipline et s’égare finalement vers le fond de la salle où Mrs Wilkinson donne son cours aux quelques ballerines du comté. Son destin se présente alors devant lui, métaphorisé par un simple rideau. Dans une famille où l’on travaille à la mine de père en fils et où l’on défoule sa rage sur un ring de boxe, le choc est d’autant plus fort lorsque le petit dernier troque ses gants contre des chaussons de danse.
Au travers de murs de briques rouges et sous un ciel comme une chape de plomb, Stephen Daldry brosse le portrait touchant d’une classe ouvrière en grève, qui résiste pour sauver sa dignité. L’image est sobre et efficace, renforcée par l’interprétation particulièrement juste des acteurs. Jamie Bell (Billy) nous donne une leçon de liberté et Gary Lewis (Jacky) est bouleversant dans le rôle du père, veuf, pris entre les rêves de son jeune fils et ses convictions politiques. Le conflit social mis en scène par Billy Elliot retrace les années sombres du gouvernement Thatcher qui s’employait à faire fermer toutes les mines du pays. On ne peut s’empêcher de faire le lien avec la filmographie brillante et engagée de Ken Loach, cinéaste visionnaire et révélateur des plaies infligées à la classe ouvrière dont la Couronne britannique ne semble pas se préoccuper. La lutte sociale est un élément commun chez ces deux réalisateurs que Ken Loach met brillamment en œuvre dans des films tels que « Land and Freedom » (1995), «Bread and Roses » (2000) ou encore « It’s a free world …» (2007).
La réussite du film tient par ailleurs à sa bande originale enlevée et dynamique qui participe à la peinture d’une époque sur fond de culture pop. Des groupes aussi familiers que T Rex, The Jam et les Clash nous transmettent le virus de la danse qui sévit dans le film. Stephen Daldry bouleverse son spectateur avec des scènes mémorables. On pense notamment à la poursuite de Tony par les forces d’intervention, dynamisée par le sensationnel « London Calling » annonçant le vent d’une révolution ; ou encore à la démonstration de danse de Billy face à son père qui sonne comme une délivrance, voire une profession de foi. La scène finale dissipe les rythmes rock majoritairement présents tout au long du film au profit du célébrissime ballet de Tchaïkovski. Les premières notes du « Lac des Cygnes » retentissent et Stephen Daldry nous émeut en invitant la star des opéras, Adam Cooper, à s’élancer majestueusement sur le devant de la scène. Billy Elliot a réussi, en choisissant sa voie, tout comme le réalisateur, avec un talent certain pour nous émouvoir profondément.
On se souvient alors des mots de Billy décrivant les sensations que provoque en lui la danse :
« Je vole, juste comme un oiseau. Je suis simplement là. C’est comme de l’électricité. »
Billy Elliot, un instant de grâce.
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Sortie le 20 décembre 2000 en France.
Billy Elliot, film britannique de Stephen Daldry (1h45) avec :
Jamie Bell – Billy
Gary Lewis – le père
Jamie Draven – le frère
Julie Walters – Mrs Wilkinson
Charlotte Guyon