Résumé d'une vie
sam, 07/02/2011 - 17:29 | Ajouter un commentaire
Elle s’appelle Hélène Madea. Née d’un père haïtien et d’une mère néozélandaise, elle a grandi en Australie avant de s’installer aux États-Unis après ses études. Du haut de ses vingt-neuf ans, elle a décidé de faire le bilan de sa fascinante existence. Non qu’elle ait le sentiment que sa vie est terminée ou qu’elle pense en finir. La jeune femme estime être parvenue à un tournant et elle vit très bien. Pour en témoigner, la demoiselle, bien connue du monde du gospel et de passage en France, expose à l’espace Reverdy de l’Université de Nanterre, où elle a un temps étudié la sociologie.
Le long des murs, sur des panneaux et parfois sur le sol ou sur des tables, photos de vacances, cartes postales, vêtements, lettres et encore photos aident à se figurer à quoi ont ressemblé les trente dernières années de la vie de la chanteuse. Il n’y a pas de parcours balisé. La visite s’effectue au gré des envies et le vécu se construit entre prolepses, arrêts sur image et analepses. Ainsi, à côté d’une robe portée adolescente pour se rendre à un mariage, figure une carte postale reçue dix ans plus tard d’une amie allemande. Dans un coin, posés sur le sol à côté d’un tas de coussin, les livres qu’elle a lus, toutes époques confondues : littérature anglaise, classiques français, biographies de pasteurs chrétiens… Tout invite au voyage dans la vie d’Hélène. Il faut reconstruire son parcours, essayer de comprendre qui elle est, en regardant les titres figurant parmi sa collection de films, les pays qu’elle a visités ou les objets auxquels elle accorde de l’importance.
Il est impossible de savoir si l’exposition est à prendre au second degré ou non. La jeune femme ne donne pas d’autre explication que la volonté de partager une vie bénie avec le public. Tout ce qu’elle précise, c’est que tout ce qu’elle expose est authentique. Quant aux légendes qui accompagnent chaque pièce, elles ne sont là que pour expliquer qui est qui, où cela se passe et quand. Il faut donc se rendre sur place et discuter avec l’artiste pour en savoir plus. Mais de l’observation de cette exposition naît une impression qui fait son chemin. En effet, peut-être la jeune femme a-t-elle souhaité retourner à ses vieilles amours et réaliser une étude sociologique. Le thème en serait la réaction d’un individu face à une exhibition assumée. À une époque où la (sur)médiatisation est devenue monnaie courante, où tout le monde se rêve en personnalité adulée, admirée, examinée sous toutes les coutures ; où l’on cherche à en savoir toujours plus sur les célébrités en allant jusqu’à fouiller dans leur passé ; où Facebook est devenue une fenêtre ouverte sur la vie privée, comment le public recevra-t-il cet étalage voulu d’effets et de souvenirs personnels ? Aura-t-il plus l’impression d’être un voyeur dans la réalité que dans le monde virtuel ? Assis devant l’une des tables sur lesquelles sont ouverts des albums photo, sera-t-il affranchi de tout sentiment de gêne par le consentement de la chanteuse ? Il faudra les interroger à la sortie pour connaître leur ressenti. Une chose est sûre, les narcissiques, égocentriques et autres nombrilistes se plairont à cette exposition et y piocheront sans doute des idées. Lors de la nocturne, le 29 juin, les visiteurs seront invités à partager une part de gâteau et une coupe de champagne avec l’artiste… pour fêter son trentième anniversaire !
Hélène Madea, "Me, Myself and I : thirty wonderful years", du 29 mai au 29 juin, Espace Reverdy, Université de Nanterre
Anissa Luce