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Une question de vie

 

Il est riche, très riche. Il est aussi jeune, et a toujours vécu dans un château luxueux, entouré de maisons rivalisant de somptuosité. L’excellence de ses employés lui a toujours évité tout questionnement ou désagrément. Sa vie est sans sursaut comme la ligne de l’horizon. Un matin d’août, l’ennui d’une promenade monotone, dans son quartier, pose hasardeusement son regard sur un saisissant tableau. La vision est si frappante qu’il comprend tout de suite la fracture entre l’opulence et la misère. Une petite maison, très délabrée, rompt brusquement son univers fastueux.
Mais que fait donc cette masure décrépite au milieu de ce grand luxe architectural ? Est-elle habitée ? Par qui ? Comment ? Pourquoi ? Mystère !
Le jeune homme va ouvrir chaque porte, chaque fenêtre de cette maison et faire naître dans chaque pièce des expériences d’une existence insoupçonnée, imaginée, rêvée. Sa vie, celle qu’il pourrait avoir. Son esprit, formaté à l’aisance, cloîtré, enfermé dans une vision uniforme du monde, essaye d’appréhender ce qui se trouve de l’autre côté de la chevillette. Il va y découvrir la faim, le doute, la souffrance, le travail. Car la pierre ne brillait pas assez pour le temps passé à la forge. On a du mal à savoir si le personnage se projette uniquement ou s’il entre réellement dans une nouvelle réalité, celle du pauvre. On le saura plus tard.
Qui est donc ce jeune homme ? Où se trouve-t-il exactement ? Quand ? Aucune importance. Il pourrait être n’importe qui – hormis son éclatante richesse. On voit que l’auteur tient moins au personnage qu’à l’intrigue par laquelle il laisse percevoir les défaillances sociales. On est souvent trop bien au chaud dans notre petit train train quotidien pour en sortir. Or c’est clairement, ici, un appel à sortir de son cloisonnement pour voir que le monde peut tourner autrement qu’en rond. Certains y verront peut-être une étude philosophique de la vie, d’autres une sociologie de l’humain, d’autres encore – et je suis de ceux-là – liront un excellent roman à l’écriture ironique. On s’amuse du décalage du personnage principal dont le vocabulaire policé détonne avec le délabrement de la maison qu’il explore. On décèle dans ce style croisé entre humour et sérieux du sujet l’influence de Vikram Seth connu pour l’excellent Un garçon convenable. On y verrait même du Zola, dans les idées, si ce n’est que Céaimt ne défend pas le démuni. Il montre que le riche, à sa manière, est aussi une victime d’injustice sociale. Comme le pauvre, il peut se retrouver prisonnier de sa classe, s’asphyxier dans un modèle de vie unicolore qui lui vole sournoisement la possibilité d’une existence plus riche.
Pour un premier livre, l’auteur surprend agréablement. Tout n’est pas parfait. L’est-on jamais ? On peut regretter de ne pas en savoir assez sur le passé du personnage principal. Mais tout s’éclaire quand on apprend que Céaimt, 25 ans, fils d’une grande famille de joailliers indiens, a fait ses études de Lettres dans une université d’Etat contre l’avis de ses parents. Une petite révolte qui lui a valu des découvertes aussi instructives que déstabilisantes. On devine alors que L’âme du dédale cache une autobiographie « clandestine ».
En 256 pages, Ceaimt Salit réussit à poser dans toute sa teneur la question du sens de la vie. Celle qu’on devrait tous se poser un jour ou l’autre. Serions-nous mieux autrement?
 
L’âme du dédale, Ceaimt Salit
256 p., 9 €
Editions Aléatoires

M. Tsila

 

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