Skip to Content

Répondre au commentaire

Ce que le Mal a de bon.

 

On n’y croyait plus ! Un pavé dans la mare. Peut-être même que ce pavé-là remue la vase de ladite mare. Pourtant  l’ouvrage modeste de Luc Van Bliboula ne paye pas de mine à l’introduction. Un pamphlet à la limite de l’essai d’idée, contre le libéralisme sauvage comme il en existe beaucoup d’autres chez nos amis politiciens et autres idéologues.

Mais la particularité du Mauvais Mal c’est d’être modelé par une langue jouissive et défiante, parfois à la limite du correct-par ailleurs toujours juste et bien sentie. Ça va vite et ça prend à la gorge.

Van Bliboula s’essaie à la destruction du monde et de ses modèles les plus crétins, une sorte de sociologie au marteau, non sans un lyrisme tendu mais toujours prudent et à renfort de références variées. L’ouvrage est érudit, cela ne fait aucun doute. Malgré tout, on pourrait sortir bouleversé d’une telle lecture : « J’abhorre la famille, l’amour et la foule de valeurs ridiculement décadentes qui en découlent aujourd’hui. Il faudrait vite apprendre aux enfants ce qu’est la mort et pourquoi le suicide existe. » Loin d’un pessimisme primaire et injustifié, Van Bliboula sait aussi manier l’espoir et les constructions. Le chapitre « Parpaing I» est la pièce lumineuse de l’édifice, où il décline une sorte de proposition détaillée des résolutions les plus simples et les plus efficaces « que l’homme devrait prendre mais qu’il n’aura jamais le courage de mettre en œuvre, pour son bien-être et sa potentielle sagesse. »

Les mots amènent à un questionnement intime sur la place de l’homme dans la société, au sein de l’idée de communauté, de famille et d’amour. Le Mauvais Mal est à ce titre un révélateur, une eau javellisée qui lave le trottoir. En refermant l’ouvrage (dont la couverture sobre rappelle un ciel d’hiver), on y voit plus clair, on a envie de chercher quelque chose. On est aussi énervé, car être pris pour un idiot cent cinquante pages durant n’est pas facile, il faut le dire.

L’ouvrage, considéré comme trop idéologique et violent pour le grand public à sa sortie prône effectivement une forme de violence, sinon avec certains (ceux que l’auteur nomme « les idiots simples »), au moins avec soi-même. Il est vrai que le parcours de Van Bliboula laisse du plomb dans les yeux : orphelin de naissance, il s’engage dans l’armée après l’obtention d’un baccalauréat à Dijon. Il combattra dans l’infanterie en Irak et en Afghanistan. De retour en Europe (qu’il sillonnera pendant deux ans et demi au hasard de rencontres), il cherche à publier ses carnets de guerre. Constamment refusé (il arrivait ivre chez les éditeurs avec ses carnets encore plein de sable irakien, exigeant qu’on lise de suite, faisant preuve d’un manque de diplomatie surhumain), il a vite choisi le repli et le travail comme raisons de vivre. On raconte que personne n’a jamais ouvert lesdits carnets. Anecdote qui lui a peut-être inspiré la nouvelle «L’aveugle Hypocrite , parue il y a trois ans, alors que Van Bliboula s’était assagi et fatigué. Cette nouvelle, intégrée dans un recueil (Encore une autre, dis !) lui vaudra d’être remarqué par la critique, pour son style flamboyant et ses provocations cyniques.

Il a dit récemment  que l’écriture ne l’intéressait plus. Il vit actuellement en banlieue de Paris et travaille chez un imprimeur. Le Mauvais Mal est son second et peut-être dernier ouvrage. Lisez-le, vous y trouverez probablement une bonne raison de désirer ce que vous n’avez pas.

Le Mauvais Mal de Luc Van Bliboula, Editions Zanziger, 2011, 15 euros. 

Baptiste Godineau


Répondre

CAPTCHA
This question is for testing whether you are a human visitor and to prevent automated spam submissions.
4 + 3 =
Solve this simple math problem and enter the result. E.g. for 1+3, enter 4.