Un conte de Joann Sfar.

Les « biopics » – contraction de l’anglais « biographical pictures » – font recette au cinéma. Ces films qui retracent la vie d’une personne célèbre de façon plus ou moins romancée s’attachent à saisir avec réalisme toute la singularité du personnage et à lui donner une seconde vie. Issus d’univers très variés – Marie-Antoinette, Coco Chanel, Edith Piaf, Coluche, Che Guevara... –, ces figures emblématiques ne sont assurément pas choisies au hasard.

Dernier film du genre : Gainsbourg (vie héroïque), sorti le mercredi 20 janvier sur grand écran. Ce film très attendu de Joann Sfar retrace la vie de Serge Gainsbourg, du petit Lucien Ginzburg, fils d’immigrants russes qui rêvait de devenir artiste peintre, à Gainsbarre, le poète maudit, le chanteur provocant aux frasques alcoolisées. Plus qu’un simple biopic, un conte. Joann Sfar, jusqu’alors dessinateur, novice dans le cinéma, signe ici une fable curieuse, centrée sur la dualité d’un artiste au charme irrévérencieux et au génie novateur. Son double, « sa Gueule », sorte de créature monstrueuse, de caricature géante, le poursuit et le hante. Personnification des démons de l’artiste, cette marionnette alter ego apporte au film une dimension fantastique d’abord surprenante, puis cohérente et bienvenue. Eric Elmosnino se mue en un Gainsbourg confondant de vérité et transcende l’imitation. Au delà de la ressemblance physique et vocale, le comédien incarne avec un naturel troublant les métamorphoses du personnage, aussi convaincant en jeune peintre et dandy maladroit qu’en provocateur maudit usé par les excès d’une vie.

Gainsbourg était un artiste sous influence, à commencer par celle des femmes, qu’il ne pouvait s’empêcher d’aimer. Juliette Greco, interprétée par une Anna Mouglalis à la beauté rauque et envoûtante, chante du bout des lèvres « La Javanaise ». La Brigitte Bardot qui incarnait la perfection au féminin des années 60 renaît sous les traits et les formes de Laetitia Casta. Jane Birkin, elle, trouve son double en une Lucy Gordon femme-enfant, délicate, fragile et ravissante. Et des femmes, il y en a eu bien d’autres. Toutes ont été des muses, d’un soir ou d’une vie. 

On peut ne pas adhérer au parti pris de Joann Sfar, qui privilégie sa vision personnelle de l’artiste et lui accole son propre univers, onirique et fantasmatique. On peut lui reprocher un scénario un peu trop lisse et attendu, qui recycle ce que tout le monde sait, des traumatismes de l’enfance à la descente aux enfers d’un poète maudit, en passant par les heures de gloire et le mythe du génie inné, le tout sur fond musical multidiffusé. Mais si le film n’échappe pas aux figures imposées du biopic, il en évite assez bien les travers. Le résultat, qui doit beaucoup à la performance d’Eric Elmosnino, unanimement saluée par la critique, est convaincant, à la fois documenté et inspiré.

Sortie en DVD le 1er juin. 

 

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