Du noir, rien que du noir.

C'est une drôle d’impression qu'éprouve le visiteur en décou
vrant les toiles de Pierre Soulages exposées au Centre Pompidou. Il ne sait pas très bien ce qu’il est censé y voir, ni même ce qu’il est censé regarder. La peinture de celui qui est l’un des artistes français contemporains les plus connus a de quoi surprendre. Son travail peut paraître trop radical, trop abstrait, trop noir. Pourtant, Pierre Soulages dit peindre avec autre chose que du noir, peindre, paradoxalement, avec de la lumière.

 

Un jour, alors que le noir avait envahi toute la toile qu’il peignait, Soulages découvrit les multiples potentialités de cette couleur sous-exploitée. Lorsque le noir occupe la totalité d’une surface, il cesse de n’être que du noir et devient un révélateur de lumière, un démultiplicateur de couleur.

L’exposition propose d’explorer chronologiquement l’œuvre de ce « peintre du noir et de la lumière ». Sur plus de soixante-cinq ans, elle décline tous les usages possibles de la couleur noire et montre comment, depuis une trentaine d’années, le noir en est venu à recouvrir entièrement les toiles de Soulages. Mais ce noir, explique le peintre, « n’existe jamais dans l’absolu ». Son intensité varie en fonction des dimensions du support, de sa forme et de sa texture. La couleur noire change selon la luminosité et l’endroit d’où on la regarde, la lumière entraînant des variations colorées.


« Je peins pour que celui qui regarde la toile puisse se retrouver, face à elle, seul avec lui-même. »


Le visiteur fait alors l’expérience du noir – de l’outrenoir, pour reprendre le terme inventé par Soulages afin de mieux définir cet au-delà du noir –, mais aussi l’expérience de la liberté. Sa peinture n’impose rien, ni histoire, ni message, ni discours. Elle ne raconte rien. Ses toiles n’ont d’ailleurs pas de nom, si ce n’est un simple « peinture » suivi d’un format et d’une date. L’artiste aime à rappeler qu’il « peint », qu’il ne « dépeint » pas, que sa peinture « présente », et ne « représente » pas. Le visiteur est libre, libre d’y projeter ce qu’il veut. Pour Pierre Soulages, « une peinture est une organisation, un ensemble de relations entre les formes, lignes, surfaces colorées, sur lequel vient se faire et se défaire le sens qu’on lui prête ». Le sens d’une œuvre ne se construit que dans la relation triangulaire qui unit l’œuvre elle-même, son auteur et le spectateur.

En rassemblant plus d’une centaine de toiles peintes de 1946 à aujourd’hui, l’exposition propose une lecture nouvelle du travail de l’artiste, en insistant sur ses développements les plus récents. Figure majeure de l’abstraction, Pierre Soulages laisse assurément une empreinte indélébile dans l’histoire de la peinture et de l’art. Une empreinte toute noire. 

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