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Dans Un cœur intelligent, Alain Finkielkraut propose neuf essais de neuf lectures qui l’ont marqué. Chaque livre est remis dans son contexte historique, est résumé brièvement et est finement commenté par le philosophe. Ces neufs livres, La Plaisanterie de Kundera, Tout passe de Vassili Grossman, le magnifique Histoire d'un Allemand de Sebastian Haffner, La Tache de Philip Roth, Le Premier Homme de Camus, Lord Jim de Conrad, les Carnets du sous-sol de Dostoïevski, Washington Square de Henry James, enfin Le Festin de Babette de Karen Blixen, permettent d’aborder, de manière à chaque fois différente, un des thèmes préférés du philosophe : la place de l’individu dans la société et au-delà, la place de l’individu dans l’Histoire.Aussi rencontrons-nous un homme dont une simple plaisanterie ruine totalement la vie et la carrière ; un ancien déporté, n’éprouvant aucune colère mais cependant incapable de pardonner ; un antinazi qui se laisse finalement séduire par la camaraderie des nazis ; un petit garçon qui revit son enfance pauvre mais pourtant fastueuse à Alger ; un marin épris d’aventure mais incapable de la saisir au vol lorsqu’elle se présente ; un retraité, plus que tout désireux d’exister aux yeux des autres et qui fait l’amère expérience de son insignifiance ; une cuisinière française dont l’extravagant festin convertit deux vieilles dames luthériennes.

Aucun de ces neuf récits n’est gai. Beaucoup décrivent des vies broyées par l’Histoire ou narrent ce qui aurait pu être et qui n’a finalement pas été. Ces récits illustrent la banalité du mal au quotidien, mais pire encore, certaines d’entre elles montrent comment le mal a été fait au nom du bien. Aucune de ces neuf histoires n’a de fin heureuse. Toutes dénoncent quelque chose : les révolutions, l’existence refaite à neuf, l’homme nouveau, l’orgueil ou encore les préjugés. Par exemples, celui qui s’imaginait héros flamboyant découvre qu’il est invisible aux yeux des autres. Ou cet autre encore qui, pour conjurer le racisme, a caché qu’il était noir, a pris une fausse identité juive, et a été dénoncé pour racisme.

De la lecture de ces neufs essais, le lecteur ne sort pas indemne. Pouvons-nous réellement maîtriser totalement notre vie ? Si aujourd’hui, nous faisons le mauvais choix, pourrons-nous rattraper la chose demain ? Ce sont des livres qui questionnent, des livres qui font réfléchir. La littérature qu’apprécie Finkielkraut et qu’il nous fait apprécier en retour guérit de l’arrogance, de l’orgueil, de la fierté et a cette capacité à rendre humble n’importe quel lecteur.

Alain Finkielkraut publie ici un livre qui incite à lire ou à relire ces neufs magnifiques ouvrages, qui ouvre des horizons et aide à comprendre la complexité du monde et à l’appréhender différemment.

Alain Finkielkraut, Un cœur intelligent, Paris, Stock/Flammarion, 2009, 20 euros.