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Entretien avec Eric Vigne (5/5)
Entretien avec Eric Vigne aux Editions Gallimard, en janvier 2010. 5/5
CFK : Avec des systèmes d’abonnements par exemple comme ce qui se fait déjà sur d’autres plates-formes peut être ?
EV : Oui mais quand on apportera quelque chose du domaine public, il faudra vraiment apporter un plus. Parce que notre fonds c’est aussi des textes qui sont dans le domaine public, mais dont les annotations ne le sont pas, dont les éditions critiques nous appartiennent, et là on a un sacré matériau pour ça.
CFK : Une dernière question plus poétique, qui est le lecteur pour vous ?
EV : Un inconnu. Un inconnu puisqu’il ne m’écrit en général que lorsqu’il y a un défaut technique, un cahier interverti ou que sais-je, là il se manifeste. C’est un inconnu dont je souhaite qu’il le demeure parce que ça veut dire qu’il est insaisissable par des études de marché, ça veut dire qu’on ne saura jamais quelle est la demande qui existe, ça veut dire que c’est un inconnu qui nous réserve des surprises, qui peut planter un ouvrage auquel on croyait et qui peut porter très loin la diffusion et la vente d’un ouvrage dont on espérait faire un score aimable sans plus. Je ne sais pas ce qu’il fait dans la vie, s’il est étudiant alors j’ai l’impression qu’il lit constamment, qu’il n’y a pas de saisonnalité des sujets. S’il est cadre supérieur, alors on devrait être nettement meilleur à l’export parce que vu ce qu’il lit on devrait être entouré de bac + 30. Je ne sais pas du tout et j’ai pas envie de le savoir. Et je suis toujours surpris par le type de public qui vient quand je fais des évènements avec des auteurs. C’est pas toujours des gens aisés, c’est pas toujours des gens très nombreux, c’est pas nécessairement des gens âgés. Il y a toujours la surprise de voir qui est là. Je n’ai pas envie de savoir parce qu’à ce moment-là j’aurais peut-être la tendance consciente ou semi-consciente de vouloir travailler pour ce type de catégorie et puis on finira par faire comme aux Etats-Unis où pour jouer su r le politiquement correct, Broadvvay a inventé une mise en scène de Notre-Dame de Paris sous le terme de Quasimodo, et un éditeur a repris le scénario de Quasimodo sous le titre Quasimodo, et on a touché un public qui ignore tout à fait qui est Victor Hugo, Notre-Dame de Paris et qu’il serait bien normal de lire Notre-Dame de Paris et expliquer qu’il faut substituer le 1er au 2ème.. Non je n’ai pas envie de savoir.
CFK : Avez-vous déjà eu envie de savoir ?
EV : Non. En plus ce qui me porte c’est une espèce de mégalomanie qui fait que ce que j’ai envie de lire, je pars du principe que d’autres auront aussi envie de le lire, mais je n’ai pas envie de mettre un visage sur le lecteur. Je ne sais pas, je devine… Je vous mène un peu en bateau parce que quand on regarde les lieux de vente : en région parisienne, quand on vend dans les librairies indépendantes plus qu’à la Fnac Cergy, on devine effectivement déjà un certain type de profil, et ça me suffit. Je ne cherche pas à en savoir plus, pour ne être à la remorque.