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Après les vampires, le succès prévisible des anges

Suite aux sorciers d’Harry Potter et aux amateurs de sang frais de Twilight, nous étions impatients de savoir quel serait le prochain succès littéraire chez nos adolescents. Sans surprise, plusieurs auteurs s’y étant déjà essayé, il s’agit des anges. Hanna Reed, Française malgré son patronyme, revisite cette figure mythique dans le premier tome de sa saga No Angels in the Sky.

Dans l’intimité de sa chambre, une adolescente se drogue. Les images de sa débauche s’enchaînent : soirées, alcool, perte de conscience. Le monde dans lequel elle vit semble bien différent du nôtre. Il n’y a ni joie, ni amour. Pourtant, cette jeune femme a tout pour être heureuse. Le récit bascule le jour où Eleden, tel est son prénom, meurt d’une overdose. Cela aurait dû être la fin, mais chez Hanna Reed le décès de son héroïne n’est que le début de sa quête initiatique. Comme un point de bascule, le texte de la première partie se conclut sur une phrase déroutante, car la mort du héros n’est pas attendue aussi rapidement, « Elle ne sentait plus rien. Elle ne désirait plus rien. Elle avait enfin trouvé la paix. Le noir s’infiltra dans son esprit. Plus rien. » Avant de s’ouvrir à la page suivante sur « Et soudain, la lumière revint. »

            Après un début de récit assez pauvre, la complainte de la riche adolescente en proie à un malaise chronique ayant du mal à attendrir le lecteur, la suite du roman semble enfin se lancer dans une véritable histoire. « Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Etais-je au Paradis ? Je ne pensais pas l’avoir mérité. Tout était blanc sans être idyllique. C’est donc ça le jardin d’Eden, je suis déçue. » Pourtant, les (trop) longues interrogations d’Eleden lassent et poussent à survoler les pages pour arriver plus rapidement à l’intrigue. Où interviennent les autres personnages principaux : Jazz, Memphis et Lukade. La réunion de ces quatre jeunes adultes permet à l’histoire d’avancer : Où sont-ils ? Qu’attend-on d’eux ?

Difficile de répondre à ces questions, le premier tome de No Angels in the Sky maintenant le suspens afin de justifier la suite de la trilogie (Xo Editions, éditeur de la saga, a en effet annoncé deux romans pour faire suite à ce premier opus). Les premières pistes évoquées dans le récit font état d’une « zone de transit »,  assimilable au purgatoire même si Hanna Reed ne prononce jamais ce terme, et du rôle des héros qui seraient « des anges noirs ». Sans être des démons, ils ont pour but de faire subir les pires tourments aux humains. Pourtant, cette situation ne semble pas leur convenir, à l’image de Memphis qui s’interroge fréquemment sur leur condition : « Et si nous étions menés en bateau ? Pourquoi doit-on punir des innocents ? Cela ne tient pas… Il faut enquêter. »

La mise en parallèle de cette figure détournée de l’ange avec les vampires puritains de Twilight est évidente.  Si Stephenie Meyer a fait de ces buveurs de sang des mormons moralistes, Hanna Reed, quant à elle, transforme ses anges en créatures démoniaques et vengeresses. La romancière française utilise des thématiques classiques afin de séduire les adolescents : la mort, le sexe, l’amour, la violence, la peur… Le premier blog (http://www.no-angels-in-the-sky.skyblog.com) créé par des fans du roman le confirme : « Eleden souffre, comme nous. Hanna Reed a parfaitement compris le malaise des jeunes d’aujourd’hui. »  L’auteure joue pleinement des poncifs utilisés dans son roman et cherche davantage l’efficacité que la créativité. Son pari est d’ailleurs plutôt réussi puisque le roman s’est déjà écoulé à 200 000 exemplaires dans l’hexagone en quatre mois d’exploitation. Quant aux droits de traduction, ils ont été vendus dans une dizaine de pays.

Si No Angels in the Sky plait autant aux adolescents, c’est aussi par le style « imagé » de l’auteur. Hanna Reed ne tente pas de faire du lyrisme mais plutôt de choquer. Comme le montre le vocabulaire relâché de son héroïne : « Putain de vie, je crève à petit feu et je m’en fiche. Crever me permets de sentir que je suis en vie. Eleden rit devant l’ineptie de ses réflexions. Elle était déjà complètement enivrée par la cocaïne. » De nombreux parents se sont d’ailleurs plaint des grossièretés présentes dans le livre et des addictions abordées (alcoolisme, toxicomanie…) sur des forums consacrés au roman. L’auteure s’amuse de cette polémique et ne compte pas changer son style qui, elle l’a compris, lui assure une publicité facile et gratuite.  « J’écris la vie des jeunes d’aujourd’hui, c’est pour ça qu’ils me lisent. Vous croyez vraiment qu’ils croient encore au Père-Noël ou au Prince Charmant ? Ces gamins sont lucides et je les respecte en écrivant la réalité de leur quotidien. »

Bien loin de la vulgarité lyrique d’un Louis Ferdinand Céline, l’écriture peu travaillée d’Hanna Reed semble surtout chercher à se démarquer d’Harry Potter ou de Twilight, tout en copiant leur succès. Les auteurs du blog que nous avons déjà évoqué font d’ailleurs état de cette réalité : « Harry Potter c’est pour les enfants, No Angels in the Sky c’est pour les jeunes adultes. » La crudité de la romancière est donc un excellent argument marketing, séduisant pour les jeunes lecteurs qui ont l’impression de côtoyer l’interdit. Dans le même registre, on peut noter l’utilisation de l’anglais pour le titre du roman ainsi que pour le pseudonyme de l’auteur. Cet « exotisme » n’a aucun but, si ce n’est rendre le roman attrayant. La romancière se refuse à expliciter son choix, mais il est évident que le surnom « Hanna Reed » a une consonance plus séduisante que « Marie-Claire Petit » (vrai nom de l’auteur NDLR).

Ce roman n’est donc pas un chef-d’œuvre qui marquera l’histoire mais plutôt un roman bien ficelé qui joue avec les dernières tendances du moment. La pauvreté de l’intrigue a peu d’importance pour les jeunes lecteurs qui trouvent dans le premier tome de cette saga un moyen de défier l’autorité parentale en lisant le récit de comportements décadents. Faut-il pour autant s’inquiéter de l’influence que ce récit aura sur nos adolescents ? Ils ne se sont pas mis à boire du sang après Twilight, on peut donc penser qu’ils ne se drogueront pas après No Angels in the Sky.

Anne-Sophie Warmont

No Angels in the Sky

Tome 1 : L’enfer sur Terre de Hanna Reed,

XO Editions, 454 pages, 2010, 19euros50