Le petit chaperon rouge
Il était une fois une petite fille qui vivait dans un village près d’un bois. Elle portait un petit chaperon rouge, aussi les habitants du village avaient pris l’habitude de la nommer ainsi. Tous la connaissaient mais personne ne l’aimait guère. Il faut dire que le petit chaperon rouge n’était pas comme les autres enfants du village. Personne, pas même ses parents, ne l’avait jamais vu ni pleurer ni sourire et beaucoup pensaient qu’elle en était incapable. Elle était sévère, effrontée, d’une méchanceté et d’une froideur inconciliables à la jeunesse de ses traits, ce qui la rendait presque inquiétante. À la mort de son père même, elle n’avait versé aucune larme. Elle était seule avec lui lorsqu’il donna son dernier soupir. Les circonstances étaient floues et on n’avait aucun suspect. Elle avait raconté qu’un homme était entré et l’avait assassiné. Elle s’était cachée et avait tout vu. Ce fut sa grand-mère qui découvrit la scène d’horreur lors d’une visite inopinée à sa petite-fille qu’elle aimait tant. Lorsqu’elle avertit la mère de l’enfant, celle-ci accourut pour la voir. Elle fut stupéfaite de ne voir aucune émotion sur son visage. Dès lors, elle comprit ce qu’elle avait toujours refusé de comprendre. Ils avaient raison. Elle n’était pas comme les autres enfants.
Le petit chaperon rouge vivait désormais seule avec sa mère qui travaillait beaucoup pour subvenir à leurs besoins. Aussi, depuis peu, la petite fille devait souvent aller chez sa grand-mère lorsqu’elle n’était pas là, ce qui ne lui plaisait guère.
Un jour, alors que sa grand-mère était malade, la mère du petit chaperon rouge envoya sa fille lui porter un panier contenant une galette et un petit pot de beurre. Sur le chemin, elle traversa un bois et rencontra un loup. L’animal, prêt à se jeter sur elle, ne fut pas tant arrêté par les bruits de bûcherons passant aux alentours que par l’attitude inattendue de la jeune fille qui s’écria : « attends loup ! Ne me mange pas ! Je te propose un pacte. Je dois aller voir ma grand-mère que je n’aime point et qui est très malade. Elle vit dans le village qui se trouve au-delà du moulin que l’on aperçoit. Loup, voici ce que je te propose. Je ne suis qu’une enfant et tu ne ferais qu’une bouchée de moi, ce qui ne satisferait pas ton appétit. Je te propose de manger ma grand-mère. Elle est faible et malade et ne te résistera pas, de plus, tu auras tout de même bien plus de quoi te rassasier. Quant à moi, je n’aurais plus à aller la voir et serait ainsi débarrassée d’un grand fardeau. Si tu refuses loup, j’aurais crié avant que tu ne m’aies croquée et même si tu le fais, je ne te donne pas longtemps avant que les chasseurs ou les bûcherons ne te trouvent et ne te tuent ». Le loup accepta et ils décidèrent qu’il emprunterait le chemin le plus court et elle le plus long, pour lui laisser le temps de dévorer son repas. Sur le chemin, elle mangea la galette qui était pour sa grand-mère, en se disant qu’elle était bien contente de faire ce chemin pour la dernière fois.
À son arrivée, elle ouvrit la porte et remarqua des traces de sang. Sa grand-mère était morte et il n’en restait déjà guère que quelques morceaux. Elle sourit. Elle n’eut pas le temps de voir surgir derrière elle le loup qui d’un seul coup bondit et la mangea.