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Le petit prince

Clément Beaussire, jeune prodige de la littérature, livre avec Blocage une analyse critique et une vision très fine de sa génération dans laquelle il ne se reconnaît pas toujours. 

Cet automne, Blocage, le troisième opus tant attendu de la trilogie satirique  de Clément Beaussire sort en librairie. Ce jeune prodige de la littérature qui avait envoyé son premier manuscrit aux maisons d'édition parisiennes comme une provocation mais sans grande espérance, a su séduire un large lectorat grâce à une plume fine, aiguisée et souvent acide. La première tentative fut la bonne. Le jeune adolescent (treize ans à l'époque) lançait une prometteuse carrière d'écrivain. Aujourd'hui Clément Beaussire a dix-sept ans et n'a rien perdu de sa verve et de son talent d'analyse. Il nous livre dans Blocage les tourments et les hésitations d'une génération aussi perdue que celle d'Hemingway et de Gertrude Stein, soixante-dix ans plus tard.

Alors que les adolescents de son âge se passionnent pour les jeux vidéo, le nombre d'amis qu'ils entassent sur Facebook, ou les révisions du bac pour les plus raisonnables, Clément Beaussire observe. Il observe et il s'interroge. En effet, le jeune homme a pris le parti de soumettre ses pairs à sa loupe d'homme de lettres. Il dissèque, opère, tranche et annonce son diagnostic avec la froideur des chirurgiens. Les jeunes sont malades, malades d'ennui. Clément Beaussire explique avec une nostalgie étonnante l'espoir qui fait carence aujourd'hui. Il esquisse le portrait d'une génération en mal d'avenir, qui travaille sans espérer trouver un emploi, qui fonde une famille malgré le chômage, malgré la crise, malgré le SIDA, qui vit malgré tout. L'auteur nous étonne à regretter une époque qu'il n'a pas connue, à envier la jeunesse des ses parents qui avaient le luxe de pouvoir espérer. Avec beaucoup d'humour, Blocage met en scène des jeunes pris au piège qui observent par la fenêtre de l'université le bâtiment imposant de l'ANPE qui les regarde et semble leur donner rendez-vous. Le triptyque met en scène les tribulations du jeune Archibald depuis les années lycée (Génération Rouillée) jusqu’à son insertion professionnelle (Blocage) en passant par sa formation universitaire (Et puis ?). Pour ce dernier volet, le jeune auteur ne manque pas de nous amuser avec ce ton aigre-doux qui est le sien en décrivant des entretiens d’embauche improbables où le candidat est trop vieux pour un stage et pas assez expérimenté pour un CDI. Des situations qui tendent vers le comique de l’absurde et qui reflètent pourtant le quotidien d’une génération « morte dans l’œuf ».

Clément Beaussire saisit le lecteur par des images qui lui volent un sourire tout en le faisant réfléchir sur son époque. C'est là son talent. Il mêle, avec intelligence, humour et sévérité et démontre ses qualités de sociologue en examinant les hommes de son temps.
Malgré son jeune âge, il tord le cou aux clichés des premiers romans et invente un style neuf et surprenant.
« Archibald est en chemin pour un entretien de plus. La rue est calme. Peut-être la prémonition d’un échec supplémentaire ? Sa vie est aussi calme que cette rue. Inhabitée, sans fin, sans but ».

Avec ce troisième ouvrage, vif et percutant, dans une langue bien écrite, Beaussire transforme l'essai et fait état d'un symptôme qui gagne nos jeunes. Ils sont "bloqués", comme empêchés par la vie, avant même de s'être jetés dedans. Et si la solution était celle de l'auteur qui utilise les mots comme pied de nez à ce joug? Avec Blocage, Clément Beaussire fait de la littérature une promesse d'avenir qui nous donne envie d'y croire.

Clément Beaussire, Blocage, en librairie le 1er novembre, Gallimard, 206 pages, 14.90 euros.   

Charlotte Guyon