UN ASSAUT SUR ECRAN REUSSI
jeu, 05/19/2011 - 21:02
Aéroport Houari Boumediene à Alger. Quatre islamistes algériens membres du GIA envahissent le vol Air France 8969 reliant Alger à Paris. Ils ont comme objectif de faire écraser l’avion sur un monument parisien. Les diplomaties françaises et algériennes doivent trouver une solution pour mettre fin à la prise d’otages. Les relations étant tendues entre les deux pays, les tractations traînent. Agacés par l’immobilisation sur le sol algérien, les islamistes exécutent trois otages. L’airbus A300 décolle enfin en direction de Marseille. C’est sur le sol français que le GIGN donnera l’assaut qui sauvera les 172 otages.
Loin des films d’action traditionnels, qui développent des scènes grandioses au discrédit de la réalité, Julien Leclercq fait le choix d’une mise en scène sobre et réaliste. Un choix d’objectivité qui lui a demandé un long travail d’enquête avant l’écriture du scénario, comme il l’explique au site abusdecine.com : « Nous avons recherché toutes les infos et interviewé toutes les personnes liées aux événements : les membres du GIGN qui sont entrés dans l’avion, des otages du vol Alger-Paris, des membres du Ministère, le commandant de bord… Notre objectif avec toute cette matière était de s’en détacher, pour ne pas en faire un documentaire. Mais tout ce que nous racontons est vrai. Nous avons d’ailleurs fabriqué le film avec le GIGN, tourné chez eux et dans le même avion que celui de l’époque. » Il faut préciser que si Julien Leclercq a d’abord fondé son travail sur le livre de Roland Môntins*, protagoniste de l’intervention à Marignane, il a créé sa propre vision des événements en enquêtant sur le GIGN durant trois années.
C’est là toute la force du film : être réaliste sans sombrer dans le film documentaire. Le pari était d’autant plus risqué que le réalisateur a utilisé des images d’archives ; notamment celles montrant l’assaut des troupes du GIGN sur le tarmac de l’aéroport marseillais. Malgré ces emprunts « historiques », le spectateur reste accroché à l’action et ne peut quitter le film des yeux en se demandant « et après ? » alors qu’il connaît déjà la fin. « Tout le problème, c'est qu'il y avait trop pour faire un film, donc après, on fait que dépoussiérer et on va à l'essentiel pour que ce soit fort et moi je voulais faire un film intimiste, donc proche des personnages, avec de la tension dans l'avion et à l'extérieur de l'avion, » confie Julien Leclercq sur lepost.fr.
Et ça marche. Le scénariste nous embarque dans trois sphères différentes mais intimement liées dans le déroulement des événements : terroriste, politique et policière. Une triple focale, toujours par souci d’objectivité comme il l’explique à liberation.fr : « C’est le point de vue humain que j’ai voulu restituer, ni pro-GIGN ni pro-GIA. Sans privilégier l’un ou l’autre. » Concernant les membres du groupe islamique armé, Julien Leclercq évite les stéréotypes. Le jeu de Aymen Saïdi, acteur de 23 ans qui interprète le chef des terroristes Yahia Abdallah, est d’ailleurs remarquable de justesse et de retenue. Il réussit à transmettre à la fois la folie des extrémistes mais aussi le regard déstabilisé d’un homme qui prend conscience qu’il est allé trop loin.
La plus grande originalité du film est certainement la dimension politique. Souvent oubliée dans les films d’actions au profit d’une explosion de testostérone, on apprécie d’être témoin de la dimension « cérébrale » de l’affaire. Comment les décisions sont prises pour rapatrier l’avion en France, qui mène les tractations avec les terroristes, à quel moment est prise la décision de faire intervenir les hommes du GIGN… autant de questions qui trouvent leurs réponses dans le scénario de Julien Leclercq. Pour développer cet angle, le scénariste montre le parcours d’une jeune diplomate du Quai d’Orsay aux dents longues, Carole Jeanton, qui va commettre de nombreuses erreurs avant de se révéler comme une alliée efficace dans la résolution de la prise d’otages. Loin du côté trépidant de la série 24 heures, on assiste aux méandres des décisions politiques. Du temps perdu auquel est suspendue la vie des otages. Diablement frustrant !
Côté GIGN, Vincent Elbaz incarne Thierry, un policier tourmenté voulant aller au front dans un acte de suicide prémédité. Cette dimension efface le côté héroïque stéréotypé que l’on retrouve trop souvent dans les blockbusters d’action américains. Les relations du personnage avec sa famille sont les seuls moments qui alourdissent l’action et lui sont inutiles. Mais le réalisateur a voulu rendre hommage à ses professionnels avec lesquels Vincent Elbaz s’est entraîné durant six mois pour incarner parfaitement son rôle. L’acteur est le seul membre du GIGN à ne pas être cagoulé dans le film, cette spécificité s’explique par le fait que les autres protagonistes sont de vrais membres du groupe d’élite de la police. C’est d’ailleurs cette radicalité qui donne une scène finale à couper le souffle. Pas de cascadeurs ni d’effets spéciaux, mais une tension dramatique authentique dont est tirée toute la dimension grandiose. Les couleurs de la scène sont d’ailleurs étonnantes de sobriété : un avion blanc, un tarmac gris, des combinaisons bleu marine et le rouge sang des terroristes. Economie du jeu et des effets pour un final puissant. Sans conteste, la marque d’une grande réalisation. Fort de son succès, Julien Leclercq a déjà dévoilé son prochain projet au site abusdecine.com : « L’aviseur, écrit par Abdel Raouf Dafri (auteur des scénarios de Mesrine et Un Prophète), une histoire de narcotrafiquants sur le détroit de Gibraltar, basée sur des faits réels. »
ANNE-SOPHIE WARMONT
*L’Assaut, Roland Montîns et Jean-Michel Caradec’h, Oh Editions, mai 2010
Fiche technique du film
Acteurs :
Vincent Elbaz, Grégori Derangère, Mélanie Bernier, Aymen Saidi, Marie Guillard, Antoine Basler
Distribution :
Mars Distribution
Production :
Labyrinthe Films
Durée :
95 minutes
Genre :
Action
Réalisateur :
Julien Leclercq
Scénaristes :
Julien Leclercq, Simon Moutaïrou
Date de sortie au cinéma :
09 mars 2011
Date de sortie du DVD :
12 juillet 2011