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« Quand je serai grande, je serai caissière ! »

Auteure de plusieurs romans de « chick lit », Peppi Halliwell signe avec « l’Imposture » un nouveau roman de filles, mais pas seulement.

 

« Quand on me demande ce que je voudrais vraiment faire dans la vie, je suis toujours embêtée pour répondre. Parce que quand on a fait des études longues, ça ne se fait pas de dire qu’on veut être caissière. Ou qu’on attend de gagner à l’Euromillion ». Holly, trente ans, deux masters et un doctorat en poche, est toujours inscrite à l’université. Son problème, c’est qu’elle a peur. Peur de travailler, et surtout, « de ne pas y arriver». Alors Holly travaille, mais « pour de faux », en tant qu’hôtesse d’accueil à la Fnac, près de chez elle. Son vrai boulot, c’est « étudiante ».

 

Le jour de ses trente ans, le fiancé d’Holly lui pose un ultimatum : elle a un an pour chercher sérieusement un vrai travail, et donner sa démission du magasin où elle travaille tous les week-ends depuis sept ans. Sinon, il mettra fin au contrat de location de leur appartement, et ils devront retourner vivre chez leurs parents…

Véritable comédie générationnelle mettant en scène une Bridget Jones française et banlieusarde, accro à son Smartphone et à ses amies, l’Imposture est un roman charmant, enjoué, et surtout très drôle. Le lecteur suit avec délectation Holly dans ses pérégrinations, sa quête de soi et du bonheur. Halliwell démontre sa maîtrise du genre : la plume est enlevée, le ton parfois acide, on regrettera tout juste quelques maladresses (l’usage parfois artificiel des lieux communs de la « littérature de poulette », comme les soirées entre copines, la farandole de marques citées, la « seconde famille » et les parents mi-névrosés eux-mêmes, mi-dépassés par la situation de leur fille). Holly est une héroïne touchante, un peu perdue, représentative de ces jeunes trentenaires déboussolés par une « société de la gagne » qui les fait douter d’eux mêmes, si exigeante que ces jeunes diplômés s’engagent dans des études interminables et enchaînent les stages, persuadés qu’ils ne seront jamais assez spécialisés.

La galerie de personnages secondaires est aussi travaillée que l’héroïne, les portraits sont fins, précis : génération « paumée », on trouve la copine Elodie détentrice d’un master en Communication, baby-sitter depuis deux ans, la cousine Linette, avocate, mais qui vend des fromages sur les marchés (« le travail en cabinet c’est trop de stress ») et le frère, Nino, en dernière année d’une école de commerce à 9 000€ l’année, mais qui finalement voudrait « partir faire une mission de préservation au Pérou », avant de « commencer sa vie ». Parce qu’ils refusent le passage à l’âge adulte, tous ces jeunes se persuadent qu’ils ne sont « pas prêts » pour un vrai travail, et multiplient les diplômes et les petits boulots comme autant de « cordes à leur arc ». Roman sur l’absence d’ambition, l’Imposture porte un regard bienveillant sur la génération « Tanguy », sur son personnage attachant qui rêve sa vie dans le confort de l’appartement dont le loyer est pris en charge par son conjoint.

On retrouve dans ce roman une Peppy Halliwell au sommet de sa plume : la jeune auteure française, dont on ne sait pas grand chose si ce n’est que c’est le quatrième roman publié sous pseudonyme, nous dévoile ici son côté caustique, comme dans ce dialogue entre Holly et son amie :

 

      au fait, ai-je demandé à ma copine Elodie, qu’est-ce que tu répondras à un éventuel employeur s’il te demande ce que tu as fait ces deux dernières années ?

      Ben, je lui dirai que j’ai pris des années sabbatiques, pour prendre du temps pour moi après mes études…

      Mouais, enfin t’as fait des études de com’… faire deux ans de baby-sitting à Suresnes, c’est pas comme partir en Afrique trouver son âme et creuser des puits avant de prendre sa place dans notre grande société de consommation ! »

 

La jeune auteure – elle-même originaire de banlieue parisienne – dit se « reconnaître beaucoup dans son personnage d’Holly ». D’après la notice bibliographique de son éditeur, Halliwell a publié son premier roman à l’âge de 27 ans, et à l’instar de son personnage, on ne lui connaît pas d’expérience professionnelle antérieure. S’agirait-il d’une œuvre autobiographique ?

Présenté comme un roman de « chick lit », l’Imposture vaut mieux que sa couverture criarde et le genre auquel on l’a cantonné. Derrière son ton enjoué et son optimisme omniprésent, il dépeint la difficulté d’une jeune femme à concilier ses envies profondes avec la pression sociale et les attentes fantasmées de la société à son égard. Plus axé sur la quête de soi que sur la quête du « job idéal » (selon les critères actuels matérialistes et standardisés), le propos du livre est que finalement, tout est une question de choix. Et si on a encore le choix, c’est que la société ne va pas si mal qu’on le pense.

 

Daisy Livingstone

 

L’imposture, Peppy Halliwell, éditions Calmann-Lévy, 2011, 256 pages.