Good Morning England : la comédie rock haine drôle


Anonyme - Posted on 29 janvier 2013

Après le succès de Love Actually, le britannique Richard Curtis signe sa deuxième réalisation avec Good Morning England (The Boat that Rocked) et nous embarque à bord d'un vieux bateau rouillé, ancré en pleine Mer du Nord, où une dizaine de personnages déjantés narguent le gouvernement en diffusant illégalement l'infernale musique pop-rock sur les ondes britanniques.

 

            En 1966, soit en plein âge d'or de la pop-rock anglo-saxonne, la BBC (radio britannique) est contrôlée par l’État et ne diffuse que deux heures de pop et de rock par semaine malgré l'inestimable gisement de jeunes artistes débordant d'énergie qui manifestent leur fureur de vivre et leur désir de liberté. Pourtant, les « radios-pirates », qui émettent continuellement depuis la mer, réunissent chaque jours 25 millions d'auditeurs et font ainsi parti du quotidien de plus de la moitié de la population. Richard Curtis nous plonge dans ce monde par l'intermédiaire de Carl (Tom Sturridge), un jeune lycéen envoyé sur le bateau de la célèbre « Radio Rock ». Il y rencontre l'équipage fantasque de DJs passionnés qui s'efforcent de diffuser les tubes interdits des Kinks, des Yardbirds ou encore des Turtles face à la détermination d'un antipathique ministre de l'Intérieur (Kenneth Branagh), bien décidé à éradiquer cette sulfureuse musique qui pervertit la jeunesse.
En plus de deux heures de film, on n'a pas le temps de s'ennuyer malgré un scénario relativement décousu. En effet, les situations burlesques échappant à toutes les règles de la bienséance et du politiquement correct s'enchaînent pour former un concentré de bonne humeur. Si l'intrigue principale réside dans la lutte pour la liberté et la musique, les saynètes délurées aux dialogues souvent acerbes rythment le film en suivant la fameuse maxime du « Sex, drugs & rock'n'roll ».

            Si l'on peut regretter l'absence d'une histoire un peu plus complexe, l'excentricité des personnages suffit à nous ravir. On reconnaît le talent du créateur du célèbre Mr Bean pour dépeindre des personnages hilarants. L'odieux et ridicule ministre Dormandy aux airs de dictateur est un modèle de parodie des autorités ultra-conservatrices de Grande-Bretagne. Les tristes réunions du gouvernement contrastent avec l'ambiance bon enfant qui règne chez les corsaires radiophoniques. Bill Nighy est extraordinaire dans le rôle de Quentin, dandy flegmatique qui tente tant bien que mal de maintenir un minimum d'ordre à bord de son bateau. Son humour fin, typiquement anglais, s'oppose avec la vulgarité du DJ vedette Gavin (Rhys Ifans) qui se lance dans une guerre d'ego avec « Le Comte ». Ce personnage aussi prétentieux qu'attachant est interprété par un Philip Seymour Hoffman très convaincant. Enfin, on note aussi la performance de Nick Frost dans le rôle de Dave, protagoniste décadent et subtilement immoral. Autour de ces piliers gravitent des personnages secondaires tout aussi charismatiques comme Bob le noctambule, Mark le mystérieux séducteur ou encore « Kévin le cerveau » qui a semble-t-il abusé de substances illicites... Curtis réussit donc à créer une galerie de mélomanes empathiques aux personnalités délirantes et originales qu'ils expriment chacun à travers la musique qu'ils diffusent.

            Car ce film est avant tout une véritable déclaration d'amour, un hymne à la musique des années 1960 et Curtis nous offre une superbe bande originale, composée de titres et d'artistes incontournables. Il rend hommage à l'impérissable rock'n'roll, symbole de l'émancipation d'une société qui, accrochée à son transistor, découvre les riffs endiablés de Jimmy Hendrix ou la soul de Lorraine Ellison. Certains spectateurs retrouveront sans doute avec un souvenir ému la musique de leur jeunesse. Cette musique permet par ailleurs à Curtis de se faire pardonner les faiblesses de son scénario à l'image de la dernière séquence, référence un peu poussive au Titanic, rattrapée par Procol Harum et son superbe A Whiter Shade of Pale. Des Rolling Stones aux Who en passant par les Beach Boys, Cat Stevens et tant d'autres, la compilation est un régal et c'est bien le 4e art qui a la part belle dans ce film haut en couleurs.

            Réalisé avec le brio et l'humour de Richard Curtis, Good Morning England est un concentré d'énergie sublimé par des titres exceptionnels à (re)découvrir.