La lutte identitaire
We're queer
We're gonna fuck your children
(x3)
Privacy is a punishment
Privacy is not a reward
Publicity is a human right
Live in the light don't die by words
Speak up
Don't put up
Speak up
Don't put up with it
(Refrain x3)
I feel like searching I feel like nothing
We're here
I feel like fighting I feel like fighting
There are dominant genes and submissive genes
I came out upside down and they had to turn me around
If you combine two recessive personalities
There can be fireworks
(refrain x3)
I feel like searching I feel like nothing
I feel like fighting I feel like fighting
There are dominant genes and submissive genes
(refrain x3)
Get used to it!
God is My Co-Pilot est un groupe fondé au début des années 90. Provenant du milieu underground de New-York où il y a de réelles politiques identitaires : le Queercore ou Riot Grrl. Branches du punk qui contestent la société, mais plus particulièrement : l'hétéro normativité, le patriarcat ainsi que la scène gay et lesbienne devenue traditionnelle, établie.
Le premier single de God is My Co-Pilot est démonstratif de cet engagement là: <<Refused Medical Assistance>>.
God is My Co-Pilot s'inscrit aussi dans le mouvement Radical Jewish Music qui est à l'initiative de John Zorn, célèbre compositeur, avec qui ils vont enregistrer certains morceaux. Ce mouvement prend forme en 1992 quand John Zorn est invité au Munich Art Pojekt et qu'il propose à différents artistes de la scène new-yorkaise de jouer de la musique juive. Il y aura à partir de là un regain d'intérêt pour le Klezmer, une musique traditionnelle juive d'Europe centrale qu'ils mélangeront à d’autres genres musicaux, notamment le free-jazz. Certains morceaux de God is My Co-Pilot sont imprégnés de cette rencontre du rock, du jazz et du klezmer.
Queer Disco Anthem (QDA)
Un des titres de l'album Best of God is My Co-Pilot datant de 1996, et dont voici la pochette. Morceau caractéristique de ce qui est appelé punk et rocknoise, même si le groupe a souvent refusé ce genre d’étiquettes musicales.Le titre est une prémisse, il semble évident de ce que sera le contenu du morceau.
Le groupe propose un «hymne » à l'intention des Queer, ces personnes qui sont catégorisées comme inaptes à la société, qui sont en marge de celle-ci, des déviants, souvent vus comme des pervers. C'est un groupe de rock donc les paroles, les mots sont importants puisque c'est le trait particulier de la chanson. Mais c'est la double utilisation des mots qui importe ici.
Ils exhortent à l'affirmation: Affirmez-vous, manifestez-vous. C'est la parole qui appelle à la parole. Pour God is My Co-Pilot il est important d'affirmer son/ses identité/s.
Cela est évident lorsqu'elles disent « speak up »: parle(z) plus fort, affirme(z) toi (vous). Ils invoquent le droit à la parole, un droit bafoué pour les minorités qui devraient se taire. Les minorités en question quand on parle de queer, ce sont les minorités sexuelles, celles à qui on reproche leur déviance par rapport à la norme. Queer signifiant : bizarre, étrange, s’oppose à la majorité qui est straight, dans le droit chemin.
La chanson commence par la dénonciation de cette crainte absurde que la majorité, la norme, a à l’égard du marginal. Le perturbateur de l'ordre social, qui pervertit et violente les enfants. En somme qui saperait la morale et détruirait la démocratie ou la République. Ce genre de discours qui existe depuis des décennies et qui n’est que l’expression de certaines phobies.
Ici God is My Co-Pilot fait de la provocation en affirmant violer les enfants, ils détournent le langage à leur avantage, ils montrent les mécanismes de celui-ci. Comme ils le font avec leur nom de groupe, où Dieu est un co-pilot, un « pote » qui les épaule, ce qui est loin de l’image du Dieu de la Torah.
Puis il y a la critique de la vie privée, sa remise en cause.
Cette punition qui n'est certainement pas une récompense mais plutôt la mise au placard. Ce jeu discursif est la double contrainte. En tant que minorité je dois taire ce que je fais, mais si je le tais c’est que j’en suis pas fier. Un processus qu’a clairement démontré Eve Kosofsky Sedgwick lorsqu’elle parle de « la structure du placard ». Il n’est pas question qu'une minorité affirme ce qu'elle est, qu'un individu, un groupe puisse dire ce qu'il a comme pratique, comme envies. Ce sont des choses privées, cachées. Particulièrement quand elles ne vont pas dans le sens de la norme.
À cette volonté de contrôle imposée par une majorité, God is My Co-Pilot oppose le droit à l'affirmation de soi, à la possession pleine et entière de son image. Cette esthétique de soi, cette volonté de se distinguer, elles en font un droit humain.
« Live in the light don't die by words » tout est dit dans ces paroles.
C'est donc les mots, la force des mots, celle des paroles qui importent. Que cette parole soit explicite ou implicite, prononcée dans la rue ou inscrite dans la loi, elle blesse, elle tue. Au XXIe siècle des jeunes LGBT se suicident encore, car des discours à caractère phobique adressés aux minorités sont toujours diffusés/prononcés/affirmés/relayés par des politiciens, des intellectuels, des médias etc.
God is My Co-Pilot incite à ne pas accepter ça, à parler, à refuser cette instrumentalisation, cette subjectivité externe. Foucault incitait déjà à partir des années 70 à ce retournement de la parole, cette prise de la parole par les minorités elles-mêmes. Retourner et absorber les insultes pour en faire une fierté et ainsi ne plus être dans une position de dominé.
Ce n’est pas parce qu’un individu ne devient pas straight, n’est pas dans le droit chemin, que ceux qui le seraient ont le droit de l’insulter, de lui chercher des ennuis. Il faut au contraire que ces individus différents s’unissent pour « résister », comme le groupe le propose avec cette réplique : « I came out upside down and they had to turn me around ».
Cette chanson est donc un message politique identitaire dont la force des mots est le principal enjeu. C’est un enjeu qui existe dans différentes politiques identitaires, il suffit de repenser à ces slogan : « Black is beautiful », « Gay is good ». La lutte contre un système dominant/dominé qu'est celui de l'hétéro-patriarcat-blanc-chrétien n’est pas achevée.
La dernière réplique « Get use to it », il faut s'y habituer ,se rapporte à ces relations de domination et de pouvoir. Le pouvoir étant partout, on ne pourra pas s'en débarrasser mais il suffit de le prendre.
Maximilien Duarté-Lourenço Licence-1