Le cinéma australien


a.struve - Posted on 27 décembre 2012

Image tirée du film The Proposition (2009) de John Hillcoat

Depuis les débuts du cinéma — c’est-à-dire la première décennie du XXème siècle —, l’Australie a joué un rôle modeste mais substantiel dans l’industrie du film.  Ce qui caractérise d’abord les films qu’elle produit, par rapport aux cinémas des autres pays, c’est la fréquence avec laquelle ils mettent en scène des hommes face à un environnement inconnu, isolé, voire hostile. Ainsi dans le premier long métrage de l’histoire du cinéma, The Story of the Kelly Gang (1906), dont le tournage a eu lieu en Australie et qui nous conte l’histoire d’un hors-la-loi, Ned Kelly, demeurant dans un « out back » livré à l’anarchie : dès ce film, il est question d’un homme vivant en lien étroit avec la nature, et luttant désespérément pour survivre, quelles que soient les conditions. C’est un thème qui, sous une forme ou une autre, va subsister ensuite pendant toute l’histoire cinématographique de l’Australie.

Les débuts du cinéma australien ont été sans conteste difficiles. Dès les années vingt, en effet, celui-ci s’est heurté à un certain nombre de freins qui ont ralenti sa productivité, et expliquent qu’il soit encore fragile aujourd’hui.  Entre autres : le fait que le public auquel il s’adresse en priorité soit relativement restreint ; le fait, également – et cela est en partie lié - qu’importer et projeter des films américains revienne moins cher aux Australiens que de produire leurs propres films, et soit plus lucratif ; et surtout, l’indifférence des pouvoirs publics. Cela n’a certes pas empêché l’Australie,  pendant la première moitié du XXème siècle,  de produire  et d’exporter des œuvres non-négligeables (celle d’Errol Flynn par exemple). Mais il a fallu attendre les années 60 ― et l’arrivée d’un gouvernement plus libéral et sensible aux besoins des arts ― pour assister à un véritable essor du cinéma australien, avec la naissance d’un genre nouveau : l’« Ozploitation ».

L « Ozploitation », sorte de nouvelle vague à l’australienne, a surtout été populaire dans les années soixante-dix et quatre-vingts. Elle s’est caractérisée par des films peu coûteux et faits pour plaire au grand public, avec de nombreuses scènes d’action, ou gores, et une sexualité démonstrative et vulgaire –  des films réalisés, de fait, par et pour des Australiens. Elle a remporté un vif succès en Australie. Mais, en revanche, elle s’est avérée difficilement exportable. On peut cependant noter qu’ elle a contribué à la promotion de certaines stars du cinéma international. Le film Mad Max (1979), par exemple, a lancé la carrière de Mel Gibson. Tout à fait représentatif de « l’Ozploitation », il peut être considéré comme une oeuvre tout à fait emblématique du cinéma australien : il y est question d’un homme abandonné, livré à lui-même dans un monde détruit par une apocalypse dévastatrice.

Entre les années quatre-vingt-dix et la première décennie du XXIème siècle, on a vu beaucoup de films traitant des aborigènes, les habitants indigènes d’Australie. La question du rôle des aborigènes dans le cinéma, ainsi que celle de la société australienne à travers l’histoire de sa colonisation est devenue un objet de discussion, et s’est concrétisé dans le film Ten Canoes (2006) de Rolf de Heer. Ten Canoes est le premier film entièrement tourné en langues aborigènes, et son histoire est inspiré des contes traditionnels, et donc intrinsèquement liés à la nature, des vieilles tribus nomades. Ce film a été bien accueilli par les critiques du monde entier, et a même remporté le prix spécial du jury dans la section « Un Certain Regard » au festival de Cannes, mais à part certains spectateurs cinéphiles, il n’a malheureusement pas séduit le grand public, ni en Australie, ni à l’étranger.

La nouvelle génération de cinéastes australiens reprend les mêmes thèmes que ses prédécesseurs, mais dans une direction encore plus sinistre et violente quant au fond et à la forme. Des films comme Animal Kingdom (2010) et Last Ride (2009) traitent de la loyauté familiale, et des situations extrêmes dans lesquelles cette loyauté est poussée à ses limites. La manière dont ils sont filmés crée un effet d’enfermement et d’oppression, et certaines scènes, n’hésitent pas à montrer la violence de manière très réaliste.  C’est qu’ils sont l’expression d’ une Australie actuelle, en lutte contre les valeurs machistes du passé et l’exclusion Tout comme certains films américains réalisés par des cinéastes australiens, par exemple The Assasination of Jesse James by the Coward Robert Ford (2007) d’Andrew Dominik et Lawless (2012) de John Hillcoat.

L’avenir du cinéma australien est difficile à prévoir. En effet, un cinéaste australien ne réalise en moyenne qu’un seul film en Australie durant toute sa carrière ― et il n’est pas rare qu’ Hollywood jette son grappin sur les réalisateurs les plus populaires. Mais si l’on considère la visibilité et la popularité montante des acteurs et réalisateurs australiens tant en Australie qu’à l’étranger, il paraît possible de garder un certain espoir pour l’industrie cinématographie australienne.

 

Sam Hewison – L1 Humanités