The New York Dolls: New York Dolls
Guitares et rouge à lèvres n'ont jamais fait aussi bon ménage.
S'il est très dur de donner une définition du rock'n'roll, voilà un album avec lequel on touche à l'essence même du genre.
Le groupe se forme en 1971. Il est composé de cinq jeunes gens légèrement turbulents qui partagent un certain intérêt et un amusement certain pour les premiers clubs gay de New York et le mouvement culturel qui naît en même temps. A l'époque où un homosexuel un peu trop affirmé a de fortes chances de se faire tabasser dans la rue, ils font "pire": maquillés et pomponnés, les New York Dolls vont choquer l'Amérique puritaine et fasciner ceux qui composeront plus tard la scène punk new-yorkaise et, par extension, la scène punk anglaise.
Mais ces cinq garçons sont aussi et surtout unis par autre chose que leur goût pour la drogue et la provocation: un véritable amour du rock'n'roll des années cinquante et soixante. En effet, ce premier album rappelle forcément cet âge d'or du rock. Mais il y a autre chose, un son, une atmosphère: c'est celle du "glamrock" et les Dolls en sont les inventeurs.
Du très glamour "Personality Crisis" au riff incendiaire de "Jet Boy", cet album éponyme est solidement porté par la voix de David Johansen, un Mick Jagger qui serait resté perché, la batterie parfois toute en retenue, souvent incisive et sèche de Jerry Nolan et bien sûr le jeu de guitare foudroyant de Johnny Thunders qui inspirera des générations entières d'aspirants rockers. Le groupe se bat sur tous les fronts: l'évidence mélodique de "Subway Train" accompagnée d'une ligne de basse ronronnante, les soli d'une vingtaine de secondes qui sont autant d'assauts qui soulignent le minimalisme de ces New-Yorkais, considérés comme les grands-frères du punk rock.
Outre les excellentes compositions que sont "Looking For a Kiss", "Vietnamese Baby" et "Trash", les Dolls passent également avec succès l"épreuve de la reprise avec une version sur-amphétaminée du "Pills" de Bo Diddley.
A sa sortie, en 1973, cet album ne se vendra pratiquement pas comme bon nombre des grands albums du rock, soit dit en passant. Il est aujourd'hui considéré comme un classique.
En seulement cinq ans d'activité, le cyclone New York Dolls aura balayé tout le rock pompeux et redondant qui dominait le genre. Une comète habillée en drag queen qui réhabilitera la chanson de trois minutes où tout est donné, sans fioritures.
Incarnation du subversif, gardiens des valeurs du rock'n'roll, rarement un groupe aura autant influencé tout en étant aussi peu connu du grand public.
Guillaume Dubois (L1 Humanités)