Parle avec Elle


margot.pastier - Posted on 22 novembre 2009

Un film poétique du grand réalisateur espagnol Pedro Almodovar.


Marco, journaliste, souhaite rédiger un article sur Lydia Gonzalez, une femme torreador. Elle a récemment rompu avec son compagnon, un autre torréador. Lui ne s'est toujours pas remis d'une vieille séparation. Quelques mois plus tard, lors d'une corrida, Lydia est sauvagement piétinée par un taureau. Marco tient son chevet pendant son coma. Au même étage de l'hôpital, il fait connaissance avec Benigno, jeune infirmier. Lui s'occupe d'Alicia, dans le coma depuis quatre ans. Il lui décrit tous les ballets, les films qu'il va voir, lui fait la lecture, persuadé qu'elle peut tout entendre. Il va peu à peu inciter Marco à communiquer avec Lydia, à dépasser cette barrière apparente d'absence de réponse.

Ce film de Pedro Almodovar est avant tout un chef d'oeuvre d'esthétisme et de poésie. Les plans sont surprenants d'originalités les couleurs resplendissent, avec, toujours, un rouge prédominant. Le film s'ouvre sur une scène de Café Müller, le ballet contemporain de Pina Bausch, sombre, symbole d'un manque de communication. Il se finit aussi sur une représentation de la grande chorégraphe allemande, mais cette fois, le ton est léger et les costumes à fleur multicolores. Il y a d'autres moments d'émotion et de poésie., notamment une séquence musicale de Caetano Veloso et son "Cucurrucucu Paloma" (version originale et tellement plus belle d'une chanson reprise par Nana Mouskouri) et un court-métrage "L'amant qui rétrécit", à la manière des films muets du début du vingtième siècle. A travers sa caméra, la tauromachie devient un spectacle, un art : les mouvements du torréador, son costume, tout est plein d'une grâce et d'une beauté sublimes. Ce film est un régal pour les yeux et le coeur.

Contrairement à la plupart des films du réalisateur de la Manche, celui-ci est peu centré sur les femmes. Les deux actrices principales n'ont ici qu'un rôle muet, ou presque, joué les yeux fermés et sans bouger, bien que leur présence ne soit pas du tout invisible. Leur silence est même l'enjeu du film entier : ce sont les hommes de leur entourage qui vont devoir parler (étonnant quand on sait comment la femme espagnole est traditionnellement bavarde). Tandis que Benigno est prolixe et a l'habitude de parler sans attendre de réponse, il est bien plus difficile pour Marco, dont les émotions ne passent pas par le langage, de pouvoir "parler avec elle".

L'histoire peut certes paraître choquante aux yeux du spectateur à certains moments, mais Pedro Almodovar la filme avec tant de beauté et d'une façon tellement touchante que l'on ne peut qu'être transporté.

Margot Pastier (L1 Humanités)