REALITY


nicole.diouron@... - Posted on 04 décembre 2012

REALITY

 

 

Après  Gomorra (2008), film saisissant sur la mafia napolitaine, Matteo Garonne nous propose une comédie dramatique époustouflante : Reality. Dès le début nous nous retrouvons plongés dans un mariage où règne une ambiance de fête, de rire, de danse et surtout de famille. Le ton est immédiatement donné. Une peinture de la vie italienne nous est livrée dans un décor napolitain magnifique. Luciano, père de famille aimant et débordant d’énergie met tout en œuvre pour faire vivre les siens, passant de la poissonnerie où il travaille aux « magouilles » commerciales montées avec sa femme.

Poussé par ses enfants à participer au casting d’une célèbre émission de téléréalité : « Grande Fratello » ; Luciano se prend au jeu, jusqu’à risquer d’y perdre son âme et sa famille, qu’il chérit tant. Un sujet d’apparence léger va soulever des questions bien plus profondes et cruciales sur la vie qu’il n’y paraît à première vue.

L’empreinte du cinéma de Fellini est présente tout au long du film. De « grosses » actrices, des personnages bruyants et une famille omniprésente haute en couleurs.

Luciano veut faire plaisir à ses enfants et se présente à une audition pour rentrer dans l’émission « Grande Fratello ». Il passe le premier tour du casting un peu par hasard et c’est là que commence sa descente aux enfers. Il va basculer de la réalité dure et concrète de sa vie d’homme « normal » vers la folie des paillettes et de l’argent. A partir de ce moment, Luciano n’a plus qu’une ambition : entrer dans la villa de l’émission.

Il veut être à l’image de l’ancien gagnant, personnage peu sympathique qui pour le héros représentera une divinité, un modèle,  une sorte de maître qu’il faudra égaler. Luciano est dans l’attente de nouvelles de la production et sombre dans un état de paranoïa, où son obsession du jeu ne fait que grandir.

Il est difficile de s’imaginer qu’en partant d’un thème tel que la téléréalité, nous pouvons nous confronter à des questionnements quasi philosophiques. Pourquoi continuer une vie de dur labeur quand on peut gagner de l’argent facilement et, en plus, accéder à la célébrité ?

L’espoir d’une vie meilleure se profile. C’est aussi l’opportunité pour lui de rendre fière sa famille et d’en « mettre plein la vue » à ses collègues et amis.

TELEREALITE- Ce terme est paradoxal et Luciano se perd entre réalité et fiction. Il se sent espionné, tout devient matière à soupçons, il perd complètement la raison. Peu à peu, alors qu’il n’est même pas dans le jeu, il perd le sens des réalités, il s’éloigne de sa famille, qui représentait pourtant tout pour lui. Une frénésie obsessionnelle le guide et l’aveugle.

Aniello Arena, l’acteur formidable qui joue le rôle de Luciano est un détenu condamné à perpétuité pour meurtre depuis ses dix-huit ans. Depuis 2001, il fait partie d’une troupe de théâtre, La Compania Della Fortezza au sein de la maison d’arrêt de Volterra en Toscane. Il est surprenant que cet homme enfermé sorte de prison (grâce à des autorisations spéciales) pour jouer le rôle d’un homme qui n’a plus qu’un but : s’enfermer des semaines et des semaines avec des étrangers dans une villa luxueuse. Après tout, Aniello Arena est parfaitement à même d’interpréter ce personnage, il sait mieux que quiconque ce que c’est que d’être surveillé en permanence par des caméras et de vivre avec des gens que l’on a pas choisis.

Reality, fable des temps modernes, raconte avec brio toutes les difficultés des hommes dans une société en crise.

La téléréalité, quoi qu’on en pense, est le reflet d’une époque où Image et Argent règnent en maître. Tout le mérite de ce film repose sur le fait qu’il ne nous donne pas de leçon, mais nous propose un regard d’humanité pure sur notre temps.

 

Brès Noémi