Twelve Angry Men


julien.poirier - Posted on 11 janvier 2012

Douze hommes en colère, (version originale : 12 Angry Men) 1957.


Le film, réalisé par Sidney LUMET (décédé au mois d’avril 2011) en 1957 à partir d’un scénario de Reginald ROSE – qui l’avait préalablement écrit et fait jouer sous la forme d’une pièce de théâtre, inspirée d’un véritable procès auquel il avait participé quelques mois plus tôt en tant que juré – relate les délibérations d’un jury états-unien composé de douze hommes, chargés de rendre un verdict à l’unanimité concernant la culpabilité ou l’innocence d’un jeune homme présumé coupable de l’assassinat de son père, tout en sachant que la sentence « coupable » condamnerait l’accusé à la peine de mort. Si, au début du film, sa culpabilité ne fait aucun doute pour onze d’entre eux, ce n’est pas le cas du dernier – le juré n°8, interprété par Henry FONDA – pour qui un doute demeure. Au fur et à mesure de l’avancée du film, cet homme, d’abord seul, va tenter de faire comprendre ses doutes aux onze autres en remettant en cause chacune des preuves avancées contre le meurtrier présumé, se heurtant à quelques résistances. En effet, tous ont leurs propres raisons de ne pas remettre en cause ce que l’accusation a présenté au cours du procès : l’un est raciste – l’accusé est un jeune afro-américain issu d’un quartier "difficile" ; un autre déteste les jeunes – son propre fils ayant particulièrement mal tourné ; pour un autre encore, les témoignages sont irréfutables car il n’y a aucune raison que les témoins mentent ; et pour quelques autres, il ne s’agit que de suivre l’avis du plus grand nombre ou d’écourter la séance pour pouvoir assister à un match de base-ball…


Etant l’adaptation d’une pièce de théâtre, le film tout entier se déroule dans une unique pièce close et étroite – à l’exception des scènes d’ouverture et de conclusion, très brèves – d’où les jurés ne sont pas censés sortir avant de pouvoir rendre un verdict unanime. On passe donc l’heure et demie que dure le film dans une pièce relativement étroite, aux décors peu marqués – d’autant plus que le film est tourné en noir et blanc, alors même que les films en couleur étaient de plus en plus courants – à réfléchir en compagnie d’une partie des douze jurés à la notion de "doute valable" défendue par le huitième juré : doit-on condamner à mort "au cas où", par sécurité, ou bien accorder le bénéfice du doute pour quelques preuves pas si irréfutables que ça ? Plus le film avance et les délibérations se prolongent, plus les gros plans centrés sur le visage de chacun des acteurs se multiplient, permettant de mieux refléter les divers sentiments et états d’esprit des personnages et d’accroître encore le sentiment d’étouffement mis en place par l’exiguïté de la pièce où le débat a lieu. Cette tension sert d’ailleurs la cause du huitième juré, puisqu’elle pousse ses détracteurs à se contredire ou à révéler par inadvertance les véritables raisons qui motivent leur vote « coupable », les décrédibilisant entièrement à chaque fois ; comme lorsque l’un d’eux, se basant sur un témoignage supposé indéniable – un voisin aurait entendu le jeune crier à l’attention de son père « je vais te tuer ! » quelques heures avant le meurtre – et affirmant qu’une telle phrase ne pouvait être prononcée à la légère, mais seulement avec un véritable désir de tuer, finit par se contredire en prononçant cette même phrase sous le coup d’un intense énervement, mais sans réelle envie de passer à l’acte…

 

Le film a reçu nombre d’excellentes critiques, a été nominé à quatre reprises aux Oscars et s’est vu attribuer un Ours d’or – délivré par le Festival du Film de Berlin – en 1957 ainsi que le BAFTA du meilleur film étranger pour Henry FONDA en 1958. Il est également qualifié comme étant l’un des meilleurs films de tous les temps par de nombreuses listes non-officielles, non pas pour une énième remise en cause de la peine de mort, mais pour son appel à la réflexion sur la valeur de la vie, que l’on ne peut traiter à la légère. Ainsi que pour chercher une réponse à cette question : l’accusé, quelles que soient la quantité et la qualité apparente des preuves accumulées contre lui, ne mérite-t-il pas que l’on réfléchisse en profondeur avant de rendre un verdict ? En particulier lorsqu’il peut avoir de telles conséquences…