En 1994 sort sur les écrans la première – et unique – réalisation de Steven Seagal. Le bougre avait de l’ambition à l’époque. On se souvient qu’après son seul succès international, Piège en haute mer (1992), l’acteur avait humblement déclaré : « J’aimerais qu’on se souvienne de moi comme un grand acteur, un grand auteur et un « sex-symbol Â» Â». Tout un programme ! Il était loin d’imaginer que l’essentiel de sa filmographie à venir sortirait directement en DVD.

Revenons à Terrain miné, qui est donc la fameuse, LA réalisation du grand Seagal. L’intrigue est la suivante : un homme au passé obscur – qui appartenait sans doute à la C.I.A dans une vie antérieure, leitmotiv seagalien par excellence – se rebelle contre le richissime dirigeant (Michael Caine) d’une compagnie pétrolière qui l’emploie. Il décide de faire sauter sa future plate-forme pétrolière avant qu’elle ne soit opérationnelle. Après avoir cassé moult bras et tenu une quantité de monologues interminables, Forest (prénom original pour un héros écolo) parvient à ses fins : protéger l’écosystème en faisant sauter la moitié de l’Alaska. Il fallait y penser !

Toute la mégalomanie de l’ Â« acteur Â» se cristallise dans SON film. On le voit dans un bar, après avoir cassé le nez d’un ivrogne – à l’admiration générale – demander à celui-ci, d’un ton on ne peut plus solennel, que sublime la musique de Basil Poledouris (mais qu’est venu faire un compositeur d’un tel renom dans cette galère ?) : « Dis-moi, que faut-il pour changer la nature d’un homme ? Â» L’autre lui répond, pleurant à chaudes larmes : « Du temps, il nous faut du temps Â». C’est officiel : Steven Seagal était le Gandhi des années 90.

Au bout d’une heure de film, tous les méchants – se demander si le cinéma de Seagal est manichéen ou non, est une question rhétorique – prennent la parole pour témoigner de leur admiration face à Forest : « Il est sacrément doué. Comparez le trou le plus profond de l’Enfer avec ce que nous réserve Forest, et nous sommes loin du compte Â». Cette dernière réplique est déclamée par un Michael Caine visiblement acquis à la cause du charismatique Seagal. Il avoua plus tard que ce tournage fut la pire expérience de sa carrière et Seagal, le plus prétentieux des acteurs-réalisateurs qu’il ait connus. Dans notre film, on n’est pas surpris de le voir se contenter de jouer la caricature d’un méchant de b.d. sans personnalité.

Côté esthétique, on s’amusera des ralentis à outrance, et des effets « brumeux Â», tous censés souligner la complexité du voyage mystique, entrepris par Forest-Seagal, dans la culture inuit – combat onirique contre un ours, résurrection du héros qui sort de l’eau glacée (toujours au ralenti) après avoir été assommé par… une plume ( !). La liste est encore longue.

Non, ce n’est pas un sketch des Inconnus que je viens de vous décrire. Il s’agit bien de l’œuvre la plus personnelle et la plus ambitieuse du mythique Steven Seagal. A voir pour rire, ou pour se sentir intelligent.

 

On deadly ground (Terrain miné), de et avec Steven Seagal, sorti aux Etats-Unis le 18 février 1994.

 

Nicolas Rosa.

 

 

 

 

 

 

 

 

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