La médiation à destination du jeune public
Depuis quelques décennies, les enfants sont perçus différemment dans la société. Longtemps considérés comme des « adultes en devenir », ils sont désormais perçus comme des personnes à part entière. Ce nouveau regard porté sur les plus jeunes se retrouve également dans les productions culturelles et avec la création de structures qui leur sont exclusivement destinées.
© Mauro Del Papa
Dans le secteur des arts vivants, les spectacles à destination du « jeune public » ont considérablement évolué au cours de ces dernières années tant dans leur forme que dans leur contenu. De même, différents dispositifs de médiation sont désormais mis en place pour accompagner la venue au spectacle. Ces dispositifs sont très variés et n’ont pas les mêmes objectifs et répercussions sur les enfants.
À partir de quelques exemples de spectacles et de temps de médiation à destination des plus jeunes, nous présenterons tout d’abord l’adresse qui est pensée à destination de ce public. Par ailleurs, certains exemples de médiation en temps de représentation « tout public » nous permettront de mettre en avant certaines modalités qui sont importantes à prendre en compte dans la construction de projets à destination des plus jeunes.
Quelques éléments de contexte
Dans le domaine du spectacle vivant, il existe deux catégories de spectacles : ceux à destination du jeune public et ceux dit « tout public ». Toutefois, ces appellations ne renvoient pas à une typologie de public précise et qui serait valable pour tous les spectacles. Il n’existe en effet pas de consensus sur les âges qui composent la catégorie « jeune public » et une indication d’âge est donc généralement ajoutée aux descriptifs de spectacles. La création d’une catégorie « jeune public » peut donc être questionnée du fait de l’imprécision de cette appellation. Par ailleurs, les spectacles créés à destination du « jeune public » ont généralement une adresse et une portée multigénérationnelle. Finalement, il serait alors possible de se dire que ce sont précisément ces formes de spectacles qui sont de l’ordre du « tout public » c’est-à-dire à destination de tous les types de publics, du fait des différents niveaux de compréhension possible en fonction de l’âge des spectateur·rices.
D’autre part, les productions culturelles à destination des enfants, et plus particulièrement les formes spectaculaires ont beaucoup évolué et se sont transformées sur plusieurs points. Désormais la dramaturgie et les histoires qui sont créées s’inscrivent dans des formes spectaculaires diverses : théâtre d’objet, danse, cirque, théâtre contemporain, mise en scène d’albums jeunesse ou création au plateau. Les artistes doivent réussir à proposer un contenu qui ne soit ni didactique ni infantilisant, mais qui soit au contraire exigeant, développant un univers visuel, et étant accessible même pour des tout petit·es. Le spectacle va également proposer une histoire qui va aborder des sujets importants tels que le deuil, la construction de soi, la différence, l’amitié…
Cette exigence nouvelle des artistes dans leurs créations à destination des enfants est liée à la nouvelle place que ces derniers occupent dans la société. Ils sont remis au centre et considérés comme des personnes à part entière. Le ton des productions à destination des plus jeunes a donc considérablement évolué ces dernières décennies. Le contenu qui leur est dédié a moins une vocation didactique et d’apprentissage comme cela a pu parfois être le cas entre le XVIe siècle et le XXe siècle. Les contenus ont donc évolué dans la manière dont les sujets sont abordés, ainsi que dans leurs formes. Ces projets artistiques exigeants, qui manquent encore de reconnaissance du côté professionnel, sont de plus en plus visibles dans les programmations des institutions culturelles. Certaines en font même leur spécialité, comme c’est le cas de Little Villette dans le XIXe arrondissement de Paris, qui propose des activités et des animations gratuites à destination des enfants et qui s’adresse plus largement aux familles. Le théâtre Dunois dans le XIIIe arrondissement de Paris développe également une programmation de spectacles exclusivement à destination du « jeune public ». D’autres lieux culturels proposent les deux adresses dites « tout public » et « jeune public » comme c’est le cas du Centre Dramatique National de la ville de Saint-Denis, le Théâtre Gérard Philippe, qui consacre un quart de sa programmation pour les enfants à partir de quatre ans.
Les spectacles « jeune public » : Moi et Rien et Nathan Longtemps
Moi et rien et Nathan longtemps sont deux spectacles à destination d’enfants entre quatre et cinq ans. Ils développent cependant des esthétiques et des univers artistiques très différents.
Moi et Rien est un spectacle de la compagnie Teatro Gioco Vita. Ce spectacle est accessible à partir de cinq ans et dure quarante-cinq minutes. La compagnie propose une création très visuelle car mélangeant théâtre d’ombre, théâtre d’objets et le jeu des artistes sur scène.
© Mauro Del Papa
Le spectacle est adapté de l’album éponyme de Kitty Crowther qui raconte l’histoire de Lila une jeune fille qui a perdu sa mère et essaie de se remettre de cette perte avec l’aide de son ami imaginaire « Rien ». Ce dernier, de bonne humeur et plein d’imagination, essaie de changer les idées de la jeune fille, qui se sent seule et qui porte également en elle le poids du chagrin de son père qui passe toute ses journées à travailler. Le sujet abordé est donc très complexe puisqu’il aborde le chagrin, le décès, la perte des êtres chers ainsi que le processus de guérison et de deuil. Le personnage « Rien » a en effet un rôle central, car c’est lui essaie de changer les idées de Lila tout au long de l’histoire, et qui va l’aider à retrouver le sourire. Moi et rien aborde également le sujet des émotions, telles que la tristesse, la colère, la mélancolie puis la joie et la fierté vers la fin de la pièce - lorsque Lila fait pousser les fleurs préférées de sa mère, ce qui va rendre de nouveau heureux son père.
En ce qui concerne l’adaptation sur scène, la compagnie a repris les dessins de l’album et a recréé sur scène les différents espaces de la vie de Lila, tantôt en ombre, et en projection, tantôt à l’aide d’objets ou enfin via l’incarnation par la comédienne et le comédien des personnages.
© Mauro Del Papa
Extrait du livre album : Moi et rien de Kitty Crowther
Cette mise en scène permet de donner un rythme et un dynamisme à la pièce. En effet, l’alternance entre le jeu, les ombres et les différents espaces de projections permettent de maintenir l’attention et la curiosité du spectateur·rice, et notamment des plus jeunes. De même, l’univers visuel qui est créé est puissant et garantit une certaine accessibilité aux plus petit·es en créant différentes images sous leur yeux, la projection ayant également un aspect magique. Il est ainsi possible de recevoir la pièce et son propos même si l’accès à la langue est plus limitée.
Ce spectacle est donc un exemple d’une proposition dramaturgique et d'une mise en scène exigeante, qui lie différentes disciplines et qui s’inscrit dans le théâtre contemporain. De même, le sujet abordé n’est pas évident, mais il n’est cependant pas traité de manière infantilisante ou trop effrayante pour les plus petit·es. Le sujet de la perte d’un parent est en effet compliqué et peut faire peur aux plus jeunes. Le texte, simple et poétique, ainsi que la scénographie permettent de montrer qu’ « à partir de rien on peut tout faire »1. Ainsi cette ligne de conduite promue par « Rien » est répétée à de nombreuses reprises au cours de la pièce et permet de traiter du deuil sous un angle qui n’est pas dramatique ou trop sombre. L’histoire se centre ainsi sur Lila, son amitié avec Rien et la solitude qui l’habite et qui prendra fin lorsqu’elle va planter les fleurs préférées de sa mère et retrouver l’attention de son père. Lors de l’exploitation de la pièce au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis, la représentation a suscité de nombreuses émotions dans la salle, les enfants étant très attentifs à l’histoire qui se déroulait sur scène.
Le second spectacle, Nathan Longtemps est une mise en scène d’Olivier Letellier qui mêle théâtre, cirque et danse pour les enfants dès quatre ans et qui dure une trentaine de minutes. Ce spectacle aborde également le lien entre les parents et les enfants puisqu’il présente l’histoire de Nathan, qui a cinq ans et qui se sent obligé de s’occuper de sa mère qui s’endort à n’importe quel moment de la journée si elle oublie de prendre ses médicaments. C’est d’ailleurs ce qui finit par arriver, elle oublie alors de venir chercher Nathan qui se retrouve bloqué à l’école.
Le metteur en scène a fait le choix d’une scène très épurée, ce qui convoque l’imaginaire des spectateur·rices qui sont amené.e.s à se projeter dans l’histoire à partir de la parole des comédien·nes, qui permettent de faire exister les situations sur scène ainsi que dans l’imaginaire de chacun·e.
© Raynaud de Lage
Ce choix rejoint la volonté de mettre en avant le principe du jeu, c’est-à-dire le jeu des enfants, qui s’inventent leurs propres histoires et qui se projettent et croient dans les univers qu’ils créent. De même, les artistes défendent l’idée qu’il est possible de jouer n’importe qui lorsque l’on s’amuse. Ainsi, le personnage de la mère est joué par Danilo Alvino, un homme et le personnage de Nathan par Maud Bouchat, une femme. Cette inversion des genres pose beaucoup de questions aux enfants, qui demandent aux artistes à la fin du spectacle pourquoi avoir fait ce choix.
© Crédit Raynaud de Lage
La pièce aborde de nombreux sujets, tels que la relation entre un parent et son enfant, mais également les familles monoparentales, la maladie ainsi que ce qui peut se produire lorsque l’on grandit. Ainsi, au début de la pièce, Nathan revêt le rôle d’un parent, et pense qu’il doit s’occuper de sa mère. C’est d’ailleurs ce qu’il dit au début de la pièce, que plus tard il veut être « maman » pour pouvoir s’occuper de cette dernière. Le spectacle aborde également les émotions, comme la peur lorsque Nathan pense qu’il va perdre sa maman et que cette dernière l’a oublié pour toujours. La force de cette pièce réside également dans les différents niveaux de lectures qui sont présents, selon l’âge des spectateur·rices. Ainsi, le spectacle s’adresse également aux adultes. Le texte est écrit avec beaucoup de finesse ce qui permet de capter l’attention des plus petits comme des plus grands, et propose un discours multigénérationnel qui va toucher l’ensemble du public.
Ces deux mises en scènes sont des illustrations des évolutions des spectacles à destination des plus jeunes depuis la fin du XXe siècle. Les sujets abordés sont sérieux, parfois ce sont même des sujets grave ou complexe. Le traitement de ces sujets par les artistes permet de mêler le ludique avec des questionnements fondamentaux. Ces sujets, tels que la mort, la différence, les émotions, ne sont pas toujours très évidents à aborder avec les enfants, et les spectacles ou les livres peuvent être une manière d’ouvrir la discussion avec les plus jeunes ainsi que de faire passer des messages, d’ouvrir un débat, une discussion, mais sans être trop brusques. De même, les spectacles sont très minutieux dans les univers visuels qui sont créés ainsi que dans la mise en scène. Ainsi, l’adresse à des plus petit·es n’empêche pas l’exigence, au contraire, et donne lieu à des spectacles d’une grande qualité artistique et dramaturgique. La création de spectacles à destination de ce public demande plusieurs points de vigilance : un équilibre entre le ludique et le didactisme, ainsi que l’univers et le jeu qui doivent réussir à garder l’attention des enfants tout au long de la pièce.
Enfin, les spectacles ont également une portée multigénérationnelle. Les enfants y assistent en effet accompagnés de leurs parents ou de leurs enseignants dans le cas de sorties scolaires, et ces adultes font également parti du public. Différents niveaux de lectures ressortent de ces spectacles, ce qui est une preuve de leur qualité car ils permettent de s’adresser à un public très divers.
Des exemples de temps de médiations autour des spectacles « jeunes publics »
Après la présentation de ces spectacles et des évolutions des propositions à destination des plus jeunes, il semble important de s’intéresser également aux dispositifs de médiations qui sont pensés par les structures culturelles en accompagnement de ces spectacles. Il existe une multitude de projets qui peuvent se construire autour des spectacles, comme des rencontres et des ateliers pratiques avec les artistes qui permettent d’allier pratique artistique et réflexions autour d’une thématique. Il est également possible de créer un parcours liant différentes œuvres, issues de supports différents, comme un album, un film d’animation sur des thématiques proches du spectacle afin d’ouvrir la discussion avant la venue au spectacle. Des temps de discussions sont également proposés juste après la représentation et permettent de revenir sur le spectacle, sur ce qui s’est déroulé et de chercher à développer les sujets abordés avec les enfants et de revenir sur ce qu’ils ont compris du spectacle afin notamment d’éclairer certaines de leurs interrogations. Ce format est généralement organisé dans le cadre de représentations dites « tout public » c’est-à-dire à destination plus particulièrement des familles, tandis que les ateliers et autres dispositifs de médiation sont mis en place dans le cadre du temps scolaire.
Ainsi, à la suite des deux spectacles proposés précédemment, un temps de discussion et de réflexion était proposé après de la représentation par les structures accueillant ces spectacles. Ces deux temps se déroulaient de manière différente, ce qui permet d’illustrer la diversité que peuvent prendre ces temps. De même, cette comparaison permet de mettre en avant des points de vigilance lors de la construction de ces ateliers à destination du jeune public afin que ces projets fonctionnent de la meilleure manière possible.
À la suite du spectacle Moi et Rien, le Théâtre Gérard Philipe avait organisé un temps d’échange avec les enfants et Anne-Laure Benharrosh, qui est enseignante et chercheuse en littérature. Cet échange se déroulait dans la salle, directement à la fin de la représentation. En organisant ce temps directement après le spectacle et dans la même salle, cela permet à un grand nombre de familles et d’enfants de rester. Toutefois, une grande partie du public est partie, quand bien même le temps de médiation était de courte durée et gratuit. La représentation se tenant un samedi le public était composé principalement de familles mais bien que présents, les parents ne devaient pas participer. Cet échange est donc pensé exclusivement pour les enfants.
Anne-Laure Benharrosh a posé différentes questions aux enfants, en reprenant à la fois l’ensemble du spectacle mais également des points particuliers. Elle leur posait des questions sur ce qu’ils avaient vu et compris, afin de lancer la discussion et la réflexion. Tous les enfants étaient invités à participer et à partager leurs avis et leurs idées. Dans sa posture de médiatrice, Anne-Laure Benharrosh était dans l’interaction et le dialogue avec les enfants. En effet, même si elle avait un ensemble de questions qu’elle souhaitait poser, et qu’un déroulé de la discussion était prévu, elle s’est adaptée constamment aux réponses et interventions des enfants, et c’est donc ces derniers qui orientaient la discussion.
Les questions posées étaient assez simples : « Pensez-vous que Lila est triste ? » ; « Quelles sont les émotions de Lila ? » ; « Avez-vous un ami comme Rien ? » ; « Qui sont les personnes que nous avons vu ? » ; « Qui est Rien ? » ; « Pourquoi Lila est triste ou en colère ? ».
Dans le cadre du spectacle Nathan longtemps, un « goûter philo » était organisé par l’ECAM - Espace Culturel André Malraux du Kremlin-Bicêtre, à la suite du spectacle. Également gratuit, ce temps était réservé exclusivement aux enfants, et se tenait dans un espace différent de la salle de spectacle. La médiatrice de l’association Les Petites Lumières a abordé la philosophie avec les enfants de manière ludique et à travers différentes questions en lien avec une des thématiques du spectacle. Elle travaille avec des objets, comme une poupée de Socrate pour introduire ce qu’est la philosophie. À la suite de Nathan Longtemps, elle a posé des questions autour des émotions, qui est la thématique qui avait été choisie pour cet atelier. Les questions étaient les suivantes : « Quelles sont les émotions ressenties par Nathan ? » ; « Quand les a-t-il ressenties ? » ; « Est-ce que vous avez ressenti les mêmes émotions que Nathan ? » ; « Quelle est votre émotion préférée ? » « À quel mot pensez-vous lorsque l’on vous parle de la peur ? ».
Cet atelier était organisé pour la première fois dans le lieu et par conséquent certains aspects de l’organisation de l’atelier n’étaient pas optimum. Par exemple, l’espace dans lequel se tenait l’atelier était trop bruyant, il était donc difficile de garder l’attention des enfants. Un tapis et des coussins avaient été installés, mais cet espace propice au jeu leur a donné envie de s’amuser plutôt que de discuter. La mise en place de la discussion fut donc plus laborieuse et l’attention des enfants plus difficile à conserver.
Retour sur ces temps de médiation
Ces deux exemples révèlent que lors de l’organisation de temps de médiation à destination des plus jeunes il est important d’être vigilant sur plusieurs points tels que l’espace dans lequel est organisé l’atelier, les personnes qui sont présentes, le déroulé de l’atelier, et l’adresse qui est pensée. En effet, les deux exemples cités précédemment mettent en avant que la mise en place d’un temps d’échange avec les parents et les enfants ou seulement les enfants n’a pas les mêmes répercussions. Si les parents sont présents, l’attitude et les réponses des enfants peuvent être différentes. La manière dont est organisé l’espace - des sièges, des coussins, les gradins de la salle - a également une influence sur l’attention et l’implication des enfants dans la discussion.
Ces temps d’échanges semblent essentiels car comme dit précédemment, les spectacles étudiés abordent des sujets difficiles ou sensible mais ils ne sont pas pour autant didactique dans leur manière de les traiter. Il semble donc important de discuter avec les enfants autour de ce qu’ils ont compris, et de s’assurer que le sujet ne les a pas inquiétés. Il est également riche d’entendre leurs réactions, et de voir la manière dont ils perçoivent et s’emparent de ces sujets. Il est également essentiel de garder à l’esprit une fois adulte que les enfants comprennent beaucoup de choses, et qu’ils ne sont pas étrangers à ce qui se déroule autour d’eux. Cette idée est d’ailleurs illustrée dans le spectacle Nathan longtemps car Nathan se sent chargé de protéger sa mère alors même qu’il n’a que cinq ans. Il est donc important de ne pas sous-estimer les enfants mais au contraire il faut aborder l’ensemble de ces thématiques, même si elles sont difficiles de prime abord, avec eux. Ainsi, ce qui compte est alors la manière dont les sujets sont traités et abordés. Moi et rien montre par exemple qu’il est possible d’aborder tous les sujets, si l’adresse choisie est pertinente.
Les temps de médiations à la suite de ces deux spectacles permettent d’accompagner la venue au spectacle et de ne pas en faire un temps isolé mais de montrer qu’il est possible d’en discuter par la suite, et qu’un spectacle peut être source de débats et de discussions. Ainsi, l’expérience du spectacle est prolongée à travers ces temps d’échanges. Ce sont par ailleurs des temps qui existent de manière informelle lorsque l’on va voir un spectacle en groupe et que l’on en discute à la sortie. La plus-value apportée par ces temps organisés par les structures culturelles vient de la place donnée à la parole des enfants, car ce sont bien eux mènent la réflexion. La parole des adultes ne vient donc pas interférer ou influencer leur compréhension spontanée du spectacle.
Toutefois, dans les deux cas, les médiatrices n’ont pas réellement abordé la scénographie, en se concentrant plutôt sur l’histoire qui était racontée, ce qui est dommage. En effet, une des spécificité du spectacle vivant vient justement de son caractère vivant qui ne peut donc se résumer uniquement au texte. Il est donc essentiel d’aborder ce qui se déroule sur scène, ce qui permet aussi de créer une approche de ce qu’est le théâtre et de mettre en avant la multiplicité des formes qui le constitue.
Pour conclure, les spectacles ne sont pas des temps isolés, mais ils peuvent constituer des points de départ pour mener des temps de réflexion, de débat, d’échanges. Les spectacles et l’art permettent de participer à la construction de soi en proposant des temps qui éveillent l’imaginaire tout en traitant de notre monde et en abordant des questions que les enfants peuvent se poser ou être amenés à se poser. C’est donc une manière pour eux de se construire, d’appréhender le monde extérieur et de ne pas en être tenu trop éloigné au risque d’être désillusionnés quant à ce dernier.
Si les spectacles sont les éléments principaux en formant le support artistique, les temps de médiation autour des spectacles sont également importants. Ils permettent de prolonger l’expérience et de ne pas la laisser uniquement dans la salle de spectacle mais de montrer que l’histoire peut s’échapper de la scène et donner lieu à des questions, des ateliers manuels, la construction de nouvelles histoires. En effet, à la suite de la représentation, le spectacle est présent dans notre esprit et nous pouvons nous en emparer afin de construire de nouveaux récits. Les deux exemples de médiation présentés nous ont toutefois montré qu’il est important de bien les penser et les concevoir, en connaissant le public auquel l’on s’adresse. C’est pourquoi le temps de médiation doit être pensé dans son intégralité, que ce soient les espaces dans lequel il se déroule, les personnes présentent ou le déroulé de l’échange, en prenant en compte le public auquel il s’adresse afin d’être pertinent et que la médiation soit efficace.
1 Phrase extraite du texte de la pièce, Moi et rien, mise en scène par la Compagnie Teatro Gioco Vita, adaptée de Moi et rien, Kitty Crowther.