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"Mary et Max", d'Adam Elliot (2009)
Un monde surprenant fait de pâte à modeler, d’humour et de tendresse.
En voyant les affiches pour ce film australien, on songe à Wallace et Grommit, film anglais fait à l’aide de pâte à modeler pour les enfants. Quand on comprend l’histoire, cependant, on voit immédiatement que ce film est d’un tout autre genre.
Mary et Max raconte l’histoire de la petite Mary Daisy Dinkle, huit ans, qui habite une banlieue australienne et qui, à cause d’une tache « couleur de caca » sur son front et de sa mère alcoolique, n’a pas d’amis. Un jour, la petite fille, qui s’ennuie à la poste pendant que sa mère vole des timbres, trouve un annuaire téléphonique de New York et choisit au hasard un nom : Max Horowitz. Rentrée à la maison, elle décide de lui écrire une lettre, pour lui demander s’il veut être son ami. Elle ajoute plein d’autres questions importantes comme : « d’où viennent les bébés aux Etats Unis », car apparemment, en Australie, on les trouve dans les cannettes de bière ! Puis, on découvre Max : un homme obèse d’une quarantaine d’années, qui est une victime du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme, ou, comme il préfère être désigné, un « Aspie ». Ces deux parias construisent une amitié improbable en s’échangeant des lettres pendant vingt ans, sans jamais se rencontrer. L’improbabilité de leur amitié est due à une multitude de raisons : l’écart géographique, culturel, religieux, générationnel et sexuel. L’émotion dans ce film vient du fait que ni l’un ni l’autre ne peut s’identifier au monde qui l’entoure directement, mais qu’ils se réalisent à travers leur amitié épistolaire.
Au cours des dix dernières années, le « film d’animation » est devenu, peu à peu, adulte. Ce film en est l’exemple parfait. Il est très varié dans les émotions qu’on éprouve en le regardant. Il y a des scènes et des personnages très drôles, comme un mime dans la rue qui est tué par le climatiseur de Max, qui tombe soudainement de son appartement au cinquième étage, mais aussi des passages tristes, notamment une très belle scène d’une tentative de suicide avec Qui Sera, Sera en musique de fond. Mais la vraie réussite d’Adam Elliot, le metteur en scène, ce sont les personnages. Il y a le voisin de Mary, un vieil homme agoraphobe dans un fauteuil roulant qui rencontre des malheurs à chaque fois qu’il essaie de dompter sa peur de l’extérieur, et la voisine qui aide Max à la maison, qui adore les chats et qui est complètement myope, ainsi qu’une multitude d’autres personnages, à la fois bizarres, drôles, pathétiques et tristes. Elliot réussit à les faire apparaître entièrement crédibles par la tendresse avec laquelle il traite toute l’histoire, en particulier les personnages. Ils sont en pâte à modeler, certes, mais l’utilisation expressive d’Elliot, résultat d’un travail prodigieux, fait qu’on ne le remarque presque pas, tant les personnages sont humains.
Ce dernier a reçu l’Oscar en 2004 pour son court-métrage Harvey Krumpet, aussi réalisé en pâte à modeler, sur un personnage de paria. En fait, Mary et Max est une première pour lui, puisque c’est son première long-métrage, mais l’humour noir et l’honnêteté des sentiments restent très reconnaissables. Cependant, quand on voit Mary et Max, il semble parfois évident que le réalisateur est plus à l’aise avec les court-métrages, car certains développements forcés peuvent nous lasser.
Ces moments ne sont toutefois pas très fréquents et généralement, avec l’aide des voix d’acteurs remarquables – Phillip Seymour Hoffman (Capote, Good Morning England), Toni Colette (Towelhead), Eric Bana (Troie, Munich) – le film n’ennuie jamais.
Mary et Max est sorti en France depuis le 25 septembre, dans un nombre limité de salles. Il a connu un succès surprenant dans l’hexagone, où il a obtenu de très bonnes critiques. Ce succès est mérité, tant le film est un chef-d’œuvre dans son genre : à la fois drôle, triste, réconfortant et stimulant.
Charlie Hewison (L1 Humanités)