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"Le Concert", de Radu Mihaileanu
Concerto pour une douce revanche.
Quatre ans après l'inoubliable Vas, vis et deviens, Radu Mihaileanu nous propose, une fois de plus, une comédie dramatique puissante, hilarante et poignante. Ce réalisateur, qui affectionne particulièrement l’idée de l'imposture, mêle dans "Le Concert" le thème de l'histoire, de la farce, et bien sûr, celui de la musique. Et comme bien souvent, Radu Mihaileanu nous surprend et nous séduit.
Poussiéreux mais aussi grandiose que d'antan, le Bolchoi débarque à Paris, avec un orchestre surprenant composé de gitans, d'hommes de ménage, de gardiens, d'artistes passionnés et brisés, mais aussi avec la musique poignante de Tchaikovsky. Ce qui pourrait sembler à certains une farce grossière - cet orchestre recomposé se fait passer pour celui du Bolchoi - est en fait une histoire typiquement slave, placée sous le signe du lyrisme et de l'émotion, avec du rire, des larmes de la passion, de la musique.
Andrei Filipov, déchu par le pouvoir communiste pour avoir refusé de se séparer de ses musiciens juifs, travaille au théâtre du Bolchoi, non plus comme chef d'orchestre réputé, mais comme homme de ménage. Cet homme humilié et brisé en pleine gloire par Brejnev il y a trente ans, est toujours hanté par la musique de Tchaikovsky.
Aussi, après avoir intercepté une invitation officielle du Bolchoi qui convie l'orchestre au théâtre du Châtelet à Paris, il n'hésite pas à imaginer une supercherie: se faire passer pour le Bolchoi, réunir ses anciens amis juifs virtuoses et jouer à Paris le concerto pour violon de Tchaikovsky. Une troupe hétéroclite, à la fois drôle, émouvante et pétrie d'humanité, se reconstitue et entend ainsi prendre sa revanche sur son passé et sur Brejnev en atteignant à Paris, "ville lumière", "l’ultime harmonie".
"Le Concert" est en fait un mélange entre réalisme émouvant - il est ancré dans une réalité historique de souffrance, comédie - les situations incongrues se succèdent, et musique - tout le film est rythmé par Tchaikovsky. On oublie le caractère improbable de l'imposture, et on adhère à cette aventure, dont la poésie des sentiments et de la musique nous bouleverse et dont les clichés sur les Russes "barbares" et indisciplinés ne manquent pas de nous faire rire.
" Le Concert " brosse un portrait d'artiste blessé, interprété avec intensité par Alexei Guskov, qui forme un duo extraordinaire avec la virtuose soliste française incarnée par Mélanie Laurent.
Une œuvre touchante et pleine de vie, donc, qui fera le bonheur de ceux qui acceptent de se laisser transporter par la sensibilité russe, moins connue en France, et les mélomanes férus de Tchaikovsky, ne serait-ce que pour savourer l'extraordinaire finale.
Félicité de la Villejégu (L1 Humanités)