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Les bureaux de Dieu: purgatoire de la souffrance
« Les bureaux de Dieu » : purgatoire de la souffrance.
« Les tragédies les plus modernes se disent, là,... » Par cette phrase de la réalisatrice, Claire Simon, on peut rendre compte de manière simple des entrevues qui ont lieu dans cet appartement bourgeois d'un immeuble parisien. Des rencontres de femmes essentiellement. Une jeune fille encore mineure qui a eu un accident lors de sa première relation amoureuse, une cadre qui ne veut pas d'un autre enfant, un jeune homme qui veut vérifier la virginité de sa fiancée ou encore une prostituée qui désire avorter pour la troisième fois. Ces femmes, angoissées par ces imprévus qui leur tombent dessus, on les retrouve dans ce lieu que l'on ne quittera pas de toute la durée du film : les bureaux du planning familial. Cette organisation crée en 1956 dans le but d'obtenir le droit à la contraception (interdite jusqu'en 1967) et qui aujourd'hui permet de parler, sans tabous, de tous les problèmes que la femme peut rencontrer : sexualité, contraception, violences (conjugales ou sexuelles), IVG (avortement), ou encore MST (Maladies Sexuellement Transmissibles). Face à ces femmes souffrantes, souvent seules dans la difficulté, on découvre une équipe, elle aussi surtout composée de femmes, entièrement à l'écoute de ces malheurs de la vie.
Il aura fallu de nombreuses années à Claire Simon pour recueillir tous les témoignages et pour les faire reproduire à l'identique par des actrices, célèbres (Nathalie Baye, Isabelle Carré,...) ou débutantes. Celles ci se dévoilent sous une caméra qui oscille entre documentaire et fiction. Les dialogues, réels, mettent en avant la difficulté de parler, de confier ses problèmes dans la société contemporaine. On voit souvent des femmes perdues, incapables -par crainte ou par refus- de parler de leurs soucis à leur entourage.
Elles viennent avouer leur tristesse, leur affolement et cherchent une solution à leur agitation.Les problèmes ne sont pas simples et ils s'accompagnent souvent d'une atmosphère familiale tendue. Ces femmes de tout âge trouvent donc dans le groupe associatif du « planning », des personnes compatissantes, à l'écoute, et qui offrent des solutions. Ces assistants bénévoles qui, à côté de leur vie personnelle, donnent de leur temps pour essayer de parer aux infortunes des autres, se meuvent dans des salles qui deviennent alors les lieux appropriés à des confidences et des révélations, mais aussi à une instruction et une prévention. On voit ainsi le docteur Lambert (joué par Michel Boujenah) donner un cours sur les premières bases de la sexualité à une bande de lycéennes. Ces personnes vivent « ce métier qu'elles inventent au fur et à mesure » (Claire Simon- réalisatrice).
La bande son est particulière : une trompette donne parfois de la voix dans les moments sans parole. Elle semble combler ce silence qui ne peut que s'installer lorsque l'on entend trop de choses dures à s'approprier et à comprendre. Mais ce son de cuivre ne rajoute qu’à l'atmosphère dérangeante de l'appartement où se mêlent nouveaux nés, jeunes couples, femmes désirant avorter et femmes cherchant à fuir la violence quotidienne. La réalité crue est montrée, les vérités de la condition féminine actuelle sont mises à nues, sont témoignées au spectateur. Chacune des femmes entendues parle avec sa « liberté d'aimer, d'avoir des enfants, maintenant, un de ses jours, ou jamais. »
La mise en scène, sans artifices, renvoie à la même idée de simplicité, d'approche de la réalité. Le choix d'actrices connues appuie bien cette démarche d'expliquer que toutes les femmes sont concernées par les drames actuels. Pour les hommes c'est différent. Ils sont beaucoup moins présents. Cela pourrait s'expliquer par le désir de liberté totale de la femme (par exemple, les femmes ne sont pas obligées de prévenir leur conjoint en cas d'avortement).
« Nous sommes dans des pièces qui entendent ce que personne ne dit ailleurs de la nouvelle vie que nous connaissons tous, depuis la séparation possible entre les étreintes amoureuses, le sexe et la naissance d'un enfant. » Ces mots de la réalisatrice posent les problèmes de notre société. Il y a une séparation de l'amour et de la sexualité et un désir de plus en plus important d'avoir un enfant « si je veux, quand je veux et de n'importe quelle manière que ce soit ». Ce désir de contrôler les naissances provient d'une envie sans cesse croissante de liberté et d'indépendance.
L'actrice Rachida Brakni ajoutera: « Avec le planning familial on est au cœur même d'un choix : le choix de sa sexualité, le choix d'avorter, le choix d'être libre. »
Alors quel est ce choix que l'on propose à ces femmes ? La contraception, l'avortement, sont-ils des éléments qui poussent à cette liberté? Donner des solutions à un problème permet de ne plus avoir à se le poser. Un des derniers témoignages est la troublante confession de cette prostituée qui, par amour pour un homme, ne se protège pas; comme si la contraception était une barrière à leur affection. On peut noter que l'on ne voit pas dans le film les réelles conséquences psychologiques que pourraient engendrer chez la femme, un avortement.
Ce film nous amène à voir la souffrance de la femme dans notre société contemporaine, sa fragilité face à son entourage et son désir incessant de liberté. On voit d'autres femmes et quelques hommes qui tentent d'aider et de soutenir les victimes de ces conflits personnels. Mais le film ne nous donne pas d'autres solutions que la contraception ou l'avortement. Est-ce une réponse suffisante à la détresse des femmes?
Dans ces bureaux à l'atmosphère lourde et dérangeante, on voit des représentants des deux sexes prendre des décisions qui les dépassent peut-être. Des décisions que l'Homme seul, on le constate, à du mal à évaluer.
« Les bureaux de Dieu »
Sortie au cinéma: 5 novembre 2008
Réalisé par: Claire Simon
Avec: Anne Alvaro, Nathalie Baye, Michel Boujenah, Isabelle Carré,....
Long métrage français/belge
Genre: Comédie Dramatique
Durée: 2H00 min.
François Chevallier