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Un conte de Noël de Arnaud Desplechin
Un conte de Noël de Arnaud Desplechin
En parlant de famille chacun sait de quoi il s’agit mais quand il faut la définir, les choses deviennent bien plus compliquées. La famille se réduit-elle aux parents et enfants seuls ou bien aux cousins, oncles, tantes, beaux parents etc. ?
On a l’habitude d’opposer le monde de la famille au monde amical, les réunions de famille se vivant comme une corvée tandis que les rendez- vous entre amis sont une joie. Cependant il ne vient que dans de très rares cas l’idée de fêtes, mariages, baptêmes, événements autres sans la famille.
Mais bien souvent les relations et ce que l’on appelle « histoires de familles » viennent bouleverser tout ça. Qui n’a pas dans sa famille des membres qu’il ne faut pas inviter aux mêmes moments ou bien à qui il ne faut pas parler de celui-ci ou celui-là?
Le monde familial est enclin à surpasser celui de l’amitié. On naît au sein d’une famille avec des parents, grands-parents, frères, sœurs, cousins déjà tout prêts et dont les relations sont déjà clairement établies. En grandissant on crée alors sa propre famille tout en gardant la sienne en arrière plan et acceptant une nouvelle. Les liens du sang sont bien plus puissants que les liens amicaux car eux sont indéniables. Que l’on aime ou que l’on n’aime pas, un frère est un frère, une sœur est une sœur.
Dans le film Un conte de Noel de Arnaud Desplechin, sorti en 2008, le thème de la famille est au centre de cette histoire, tristement drôle et ironique, qui fait briller chacun de ses acteurs. Parents, enfants, belle famille, oncles, cousins, frères et sœur sont présents pour se détester ou s’aimer, même cruellement ou égoïstement pendant les fêtes de Noel.
La famille Vuillard a eu quatre enfants. Le premier, Joseph, était atteint d’une leucémie et avait besoin d’une greffe de moelle osseuse. Sa sœur Elizabeth, jouée par Anne Consigny, n’était pas compatible, les parents, Junon, Catherine Deneuve et Abel, Jean-Paul Roussillon, décidèrent de concevoir un troisième enfant qui peut-être pourrait sauver leur jeune fils. Mais celui-ci, Henri, interprété par Matthieu Amalric, ne fut pas plus compatible que sa sœur ainée. Le dernier, Ivan, Melvil Poupaud, arriva trop tard pour espérer sauver Joseph qui mourut avant sa naissance. La famille s’est remise peu à peu, les années ont passé et le film commence au moment où Junon apprend qu’elle est, elle aussi, victime d’une leucémie et a besoin d’une greffe de moelle osseuse.
La famille se réunit alors au complet pour la première fois depuis six ans. La sœur ainée, Elizabeth, ne supporte plus la présence de son frère Henri, à tel point que quatre années avant le commencement de l’histoire, elle avait décidé de ne plus jamais entrer en contact avec lui.
C’est donc avec anxiété et mauvaise humeur que la famille se retrouve pour Noël.
Chacun arrive, accompagné de ses enfants, maris et femmes, la maison déborde de monde et entre les deux garçons hyperactifs d’Ivan et l’adolescent névrosé d’Elizabeth, les concessions sont difficiles. Elisabeth et Henri s’évitent autant que possible mais bien entendu, les querelles du passé reprennent rapidement le dessus.
Ce film expose des faits très communs. Une famille avec ses histoires, se retrouvant pour Noël, devant surmonter la maladie qui peut-être sera fatale. Chaque membre avec ses problèmes personnels. Chaque personnage est un stéréotype mais est à la fois plein de profondeur : la sœur ainée trop sérieuse, le cadet imprévisible et le benjamin à l’adolescence difficile ; les deux garçonnets batailleurs et l’ado renfermé. Le mari d’Elisabeth, qui est plus préoccupé par son travail que par la famille, la femme d’ Ivan, mère de famille fade, et le cousin, frère adoptif toujours là pour rendre service.
En réalité les choses sont bien plus compliquées et chacun a une personnalité en réalité atypique. Pour commencer ils sont artistes, ce qui les détache en partie du cliché. Comme le dit la femme d’Ivan, Sylvia, jouée par Chiara Mastroianni : « Mes enfants écrivent des pièces de théâtre, vous faites tous au minimum un instrument de musique, ta sœur écrit des pièces de théâtre à succès qu’elle joue dans son théâtre. Qu‘y a-t-il de bizarre chez les Vuillard? ».
Cette phrase n’est pas anodine, la famille Vuillard n’est pas une famille banale. Ce florilège d’acteurs que Desplechin, une fois de plus, réunit, le prouve bien. Matthieu Amalric encore une fois en couple avec Emmanuelle Devos, l’incompris à l’humour noir et cassant détesté pour ses manières avec la belle et séduisante mais dure. La mélancolie de Anne Consigny nous soulève au long du film de meme que le désarroi de Simon, Laurent Capelluto, amoureux de la sensuelle Chiara Mastroianni, qui abandonnera ses principes moraux et l’amour de son mari pour quelques nuits avec le cousin délaissé. Trop d’incompréhensions, de fin sans fin, et de mystère non résolu dans ce film laisse notre imagination s’envoler et à la fois nous déranger, perturber, demander une réponse à toutes ses incertitudes que nous laisse Desplechin. Impossible de ne pas voir son film au moins une fois lorsque l’on est à la recherche d’une identité, et cela vaut pour tous les films de Desplechin.
A voir aussi: Rois et Reines, Comment je me suis disputé, ou encore Esther Kahn.
Charlette Lucas, L1 Humanités