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Klimt et Schiele : deux peintres d’un même mouvement et en même temps deux visions picturales du monde complètement différentes.

 

Klimt d’un côté, jeune peintre talentueux qui fait ses études à l'Ecole des Arts    Décoratifs de Vienne, vit dans un milieu bourgeois et cultivé : une grande partie de son œuvre consistera en des portraits, commandes faites par de riches viennois, portraits dans lesquels le peintre voudra préserver le style qui le caractérise.

Schiele d’un autre côté, jeune homme doué pour le dessin mais issu d’un milieu social plus pauvre et ayant eu une enfance triste –il perd son père très jeune-, serait plutôt le peintre du dénudement et du corps torturé, le peintre d’une vision pessimiste et très sobre de l’homme.

Je ne vous apprends rien en vous disant que Le Baiser est une des œuvres de Klimt les plus célèbres. Ce tableau est en quelque sorte le summum du « Cycle d’Or » de Klimt, notamment caractérisé par la présence de formes géométriques répétées.

 Pour se faire une idée plus large du cycle en question, l’Arbre de vie fait partie des tableaux clés du concept.

 Peinture d’or et formes géométriques mais aussi motifs récurrents dans l’œuvre du peintre : les fleurs de la robe de la femme, le décor (parterre de fleurs sous les amants), la sérénité du visage féminin (le seul de face) et la pureté de ses traits, les courbes des corps, sont, entre autres, les éléments qui caractérisent la peinture de Klimt.

Une peinture qui me paraît à la fois caractérisée par un mouvement, un rythme pictural : celui des courbes humaines, de la répétition des formes, d’un décor qui a son importance (encore que vous n’ayez pas sous les yeux l’exemple le plus probant en termes d’abondance d’éléments de décor), d’une atmosphère de pureté et d’intimité, avec la femme comme élément focalisateur du tableau. La peinture de l’artiste se caractérise aussi par un certain statisme, l’absence d’un cadre spatio-temporel : comme si ce baiser n’allait jamais s’arrêter, que les fleurs n’allaient jamais faner, une étreinte éternelle, sans début et sans fin.

Je perçois déjà vos mines apeurées : Schiele ce n’est quand même pas la même histoire que Klimt ! Des corps émaciés et tout en articulations, des mains beaucoup trop grandes, une peau sale et abîmée, des visages torturés. Egon Schiele n’est pas le peintre de la beauté qui brille et qui scintille : il m’est apparu comme le peintre du vrai, un réalisme tellement poussé qu’il dépasse ses propres limites et n’a, au final, plus rien de vraisemblable.

 

La première idée qui m’est venue en voyant ces peintures fut qu’elles semblaient représenter les personnages d’Emile Zola : des humains peints dans leurs défauts, comme si leur esprit apparaissait sur leur corps. Ils sont sales, maigres, obscurs, désarticulés, caricaturaux dans leur humanité. Je vous laisse méditer la chose par vous-même…

 

Quoi qu’il en soit, la peinture d’Egon Schiele se démarque vraiment de celle du peintre du Baiser, pas d’or ni de couleurs vives ici mais une atmosphère terne et triste, le besoin d’exprimer comme une vulgarité inhérente à la nature humaine.

 

Au travers de thèmes communs, les deux peintres viennois expriment chacun à sa manière la vision du monde qui leur est particulière.