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La peinture de Klimt et Schiele : une histoire de femmes
Je ne m’avance pas trop si je vous annonce que nos deux artistes sont des hommes qui aiment les femmes et qui les ont beaucoup peintes, cela de différentes manières. L’un de leurs points communs réside dans l’importance accordée à la nudité de la femme, quel que soit le sujet abordé par le tableau.
Tandis que Gustav Klimt assume ouvertement aimer les femmes, Egon Schiele est plus discret mais aime peindre l’autre sexe : grand nombre de ses modèles féminins sont en effet des prostituées. Gustav Klimt a, quant à lui, une clientèle féminine assez complexe : protectrices, amantes ou femmes désireuses de se faire croquer, les figures féminines sont nombreuses et variées dans son œuvre.
Ce qui m’a tout de suite plu chez Schiele, c’est ce coup de crayon qui semble tellement naturel et que l’on retrouve dans la majorité de ses tableaux : fasciné par le corps humain, il l’attrape en un trait tout simple et donne au corps toute sa réalité grâce à une seule courbe un peu instable, comme si c’était cette maladresse apparente qui légitimait le dessin.
Egon Schiele peint donc beaucoup de femmes des rues, et toujours nues : la nudité est alors un gage de réalité du corps, ce qui semble logique, lui permettant d’en mettre en valeur les aspects imparfaits et souvent obscènes.
Une autre femme que l’artiste représente énormément c’est Edith Schiele, son épouse. Parfois nue, parfois habillée, seule ou avec lui, elle est une figure récurrente de l’œuvre du peintre.
Il va peindre Edith dans ce que l’on pourrait appeler différents « rôles » : ici dans La Femme de l’artiste, elle est l’amante douce et contemplative représentée habillée mais dans un apparât simple et suggérant la relation charnelle notamment dans la nudité des bras. Dans d’autres œuvres elle apparaîtra tantôt épouse modèle en robe à rayures dans Portrait de la femme de l'artiste debout, tantôt épouse sensuelle dénudée dans son Nu de fille accroupieen laquelle on reconnaît Edith.
Des femmes d’un soir, des femmes aimées, mais toujours des corps de femmes.
Chez Klimt, la femme m’a semblé être le support du message de l’artiste, mais néanmoins un support omniprésent et caractérisé par un nu récurrent. La femme est toujours pure, elle a la peau rose et est belle (exceptée la vieillesse dans Les Trois âges de la femme, thème négatif en opposition à la pureté de la femme nécessairement jeune), elle est indépendante, rieuse et porteuse d’une puissance particulière, que cette dernière se manifeste dans le pouvoir ou dans l’espoir.
Judith II donne une première image de la femme : elle est ici femme de pouvoir dangereuse, nue et pourtant habillée de tissus précieux. La femme est toujours mise en valeur dans sa nudité : la courbe de sa poitrine se retrouve à la fois dans la fluidité des tissus qu’elle porte et dans le décor qui l’entoure, notamment dans les spirales, élément géométrique parmi d’autres récurrents dans l’œuvre de l’artiste.
Le décor est un élément primordial du tableau chez Klimt : bien que Le Baiser ait un décor exceptionnellement sobre, chaque tableau de Klimt est une explosion d’éléments annexes, et ce sont ces derniers qui donnent aux tableaux leur complexité en termes de couleur et leur mouvement.
La robe que porte la femme du tableau semble en effet flotter au vent et l’on croit sentir la tension de ses doigts crispés sur le tissu et dans la chevelure de l’autre personnage qui semble mort ou endormi, état mettant en valeur une certaine puissance, voire une cruauté, de la femme.
Dans L’Espoir, elle est celle par qui arrive la vie, porteuse du possible et donc de l’espoir, sa nudité constituant un gage de pureté : elle est belle, sûre d’elle et détentrice d’un grand pouvoir. Mise en présence de visages obscurs en haut du tableau, son rôle et sa figure sont en contraste avec d’autres forces telle la mort au centre.
Gustav Klimt est donc le peintre de la femme dans ce qu’elle a de mystérieux et de puissant, il la divinise et la rend fatale. La femme est fantasmée.
On est tout de suite frappé par la différence entre les tableaux des deux auteurs, je vous l’accorde : pour un même sujet, deux mondes. Une femme humaine et imparfaite chez Schiele, dans un décor plus que sobre auquel le peintre n’accorde qu’une faible importance, se concentrant sur la figure centrale de son tableau, et une femme sublimée chez Klimt, à la fois dotée d’une pureté mystique et d’une puissance dévastatrice dans des décors toujours plus « baroques », si j’ose dire.