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Les portraits : conserver le style dans l’imitation

Dans les œuvres de nos deux viennois, les portraits occupent une place plutôt importante. Que ces portraits soient objets d’arts ou travaux lucratifs, chacun a su conserver son style dans la peinture d’un modèle qui avait ses propres exigences.

Se faire tirer le portrait par Gustav Klimt, ce n’est pas encore jeter sa propre image dans l’abîme obscur de l’art moderne : l’artiste est en effet capable de conserver ce qui fait sa particularité tout en restant fidèle au visage peint. Ce qui lui tient à cÅ“ur, c’est la mise en scène du personnage, décor et couleurs.

En ce qui concerne Egon Schiele on devine assez facilement que la chose est plus complexe car c’est justement le corps qui intéresse ce dernier, le corps qui sera son objet de travail et qui reflètera donc le style de l’artiste. Le portrait chez Schiele est donc aussi un miroir du peintre, et non seulement du modèle.

 


Emilie Flöge, couturière dont il avait fait sa compagne, fut l’un des modèles de Klimt. Certains se demandent même si dans Le Baiser Klimt n’avait pas voulu se représenter à ses côtés : une hypothèse intéressante ! Rappelez-vous, dans ce tableau on ne voit pas le visage de l’homme mais uniquement celui de la femme. Et, coïncidence, Klimt n’a jamais souhaité se représenter lui-même, à la différence d’Egon Schiele. Le mystère reste entier… (Et sera abordé ultérieurement, patience).

 

Toujours est-il que, chez Klimt, le portrait, tout en demeurant la représentation fidèle d’un visage, n’est qu’un prétexte à une décoration toujours plus complexe et florissante : la robe d’Emilie est ici un élément essentiel du décor du tableau. Le sujet représenté n’est alors que simple support, malgré tout l’amour que portait Klimt aux femmes qu’il considérait d’ailleurs sûrement comme, elles aussi, éléments de décor par leur beauté et leur pureté (ne vous méprenez pas sur mes dires !), support donc d’abstractions, formes géométriques et couleurs éclatantes.


De la même manière, le Portrait d’Adèle Bloch Bauer témoigne de cette recherche approfondie sur le décor et notamment ici dans le cadre du Cycle d’Or et par les formes géométriques. Tout rayonne et pas seulement le sujet représenté : on est d’un côté fasciné par la robe de la jeune femme mais c’est cette même robe qui met en valeur le teint pur d’Adèle. Un aller-retour infini entre beauté et magnificence : le portrait est alors une réelle Å“uvre d’art, et pas seulement parce qu’il est ressemblant.

Klimt a su faire de commandes à but au départ lucratif le moteur d’un art toujours plus décoratif.

 

 

Pour ce qui est de Schiele, c’est comme vous pouvez le voir une autre « paire de manches Â». Une fois de plus, le peintre sait garder le style épuré et sobre qui est le sien, enfermant ses sujets dans des contours précis suggérant toujours le corps humain dans sa torsion et ses défauts.


La précarité du corps humain trouve donc encore sa place dans des tableaux de commande. L’artiste qui a su lui aussi trouver son style peut donc conserver ce dernier : les riches Viennois qui se font tirer le portrait ne le font plus par orgueil de leur image mais pour l’acquisition d’un tableau du peintre, et l’art prime sur la figure.



La différence de style dans ce tableau vous apparaît, je l’imagine, évidente. Approchons-nous alors de cette autre facette stylistique de Schiele. Un décor beaucoup plus travaillé, plus de couleurs, un espaces rempli, un corps moins chétif et plus homogène : où est donc passé la vision pessimiste d’une humanité torturée physiquement que l’on connaissait chez Schiele ? Ce tableau peint en 1918, l’année de sa mort, est le témoin d’une évolution dans l’art de Schiele, un art qui s’équilibre et s’apaise, dans une représentation du corps beaucoup moins torturée.


Le peintre a su trouver dans l’achèvement de son œuvre une certaine paix stylistique, sa peinture se complexifiant et s’apaisant au fur et à mesure.



Pour Klimt et Schiele, il est donc plus que clair que portrait et commande privée ne riment pas avec perte du style : s’il est quelque chose qui nous saute aux yeux dans l’art portraitiste des deux peintres c’est bien leur signature en tant qu’artistes, toujours présente et bien installée.

 

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