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PASCAL ELBE n’a rien du tout d’un INARRITU
« Tête de Turc », de Pascal Elbé
(Sortie le 31 Mars 2009)
Pascal Elbé nous fait croire qu’il a mêlé cinq destins :
- Celui d’un médecin (Pascal Elbé), blessé à cause d’un gosse qui a jeté un cocktail molotov sur sa voiture.
- Celui du gosse (Samir Makhlouf) qui a jeté le cocktail molotov sur la voiture du médecin, qui est allé le sauver ensuite et qui va être récompensé pour cela.
- Celui de la mère (Ronit Etkabetz), qui essaie d’assurer la protection de son fils qui a jeté un cocktail molotov sur un un médecin.
- Celui d’un flic (Roschdy Zem), qui est furieux parce qu’un gosse a jeté un cockatail molotov sur la voiture de son frère médecin.
- Celui d’un homme (Simon Abkarian) qui a perdu sa femme parce qu’il a appelé le médecin le soir où elle a fait un malaise et que ce dernier n’est pas venu parce qu’il est tombé dans un coma à cause d’un gosse qui a jeté un cocktail molotov sur sa voiture…
Après la projection, ma sœur se retourne et me dit : « Il s’est inspiré de Alejandro González Inárritu ! » - « Ah bon ? Il ne s’est pas foulé … », ai-je répondu.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, Inárritu est un réalisateur mexicain que l’on connaît principalement grâce à des chefs d’œuvre tels « Amours chienne » ou « Babel ». Ce dernier a le talent de mêler les destins de personnes qui ne se connaissent pas et qui n’ont rien à voir les unes avec les autres, ce qui rend l’intrigue encore plus intéressante.
Dans « Tête de turc », mis à part le pauvre type qui a perdu sa femme à cause de l’accident du médecin, cela ressemble plus à une affaire de famille qu’à un film sur des destins croisés.
Ma première critique est donc celle-ci : Pascal Elbé a voulu s’inspirer de films comme « Amours chiennes » et « Collison », mais il s’y est très mal pris.
Mis à part cela, ce premier film de Pascal Elbé est assez réussi. C’est intrigant, les acteurs sont convaincants et le duo Elbé / Zem est, comme d’habitude, très bon. C’est un film qui traite d’un sujet sérieux et important : la violence dans les cités. On est confronté à ce sujet plein de controverses à travers de nombreux protagonistes, tous différents : les adolescents qui y vivent et qui essaient de s’en sortir, leurs mères qui s’inquiètent, les policiers qui essaient de faire régner l’ordre, les médecins qui ont du mal à faire leur boulot et l’Etat qui est dans une véritable impasse et qui oscille entre promotion et punition des cités.
A SAVOIR :
- L’intention de Pascal Elbé était de mettre en avant la famille, comme il le fait systématiquement dans tous ses scénarios et c’est très réussi ! Solidarité, amour, sacrifices, instincts protecteurs : tout y est.
- Le réalisateur a tenu à faire intervenir des communautés variées, les deux principales étant les communautés turques et arméniennes.
- Les femmes jouent un rôle prépondérant : ce sont des femmes à fort caractère qui prennent leur vie en main. Pascal Elbé a affirmé son envie de montrer une image de la femme que l’on voit trop rarement dans les films français et plus souvent dans les films italiens ou israéliens (il cite en exemple le puissant « Prendre Femme » de Ronit Etkabetz).
Pascal Elbé maîtrise son sujet. Il sait ce qu’il veut dénoncer (la violence dans les cités et le mauvais rapport avec les autorités), il sait ce qu’il veut mettre en valeur (les familles qui essaient de s’en sortir, d’avoir une vie meilleure et qui le méritent) et il arrive à orchestrer tout cela de façon très honorable. Cependant, j’écris cet article trois semaines après la projection et il ne me reste quasiment rien du film. Je me souviens ne pas m’être ennuyée, mais je me souviens aussi être restée sur ma faim. Il y a un réel manque d’originalité, on a l’impression d’avoir vu des dizaines de versions différentes de « Tête de Turc ». Résultat : on le voit, on l’apprécie puis on l’oublie…
Sarah Rashidian (L3 Humanités)