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Léviathan ou Basilic, à vous de décider !
Léviathan
Ce qui est bien avec les « Direct To Video », c’est qu’ils nous surprennent toujours. Que ce soit dans le bon sens, avec Sandra Bullock qui décroche un oscar pour The Blind Side, ou dans le mauvais avec Léviathan. Ce dernier s’inscrit dans une démarche économico-commerciale de la chaine du câble et du satellite « SYFY ». Autant vous le dire tout de suite, cette chaine est fauchée de chez fauché et elle a bien du mal à remplir ses grilles avec de « vrais » produits. Une idée leur est donc venue : « Et si on produisait nous mêmes nos propres films, à moindre frais et en essayant de reprendre tout ce qui marche au cinéma ? » Avec Léviathan nous sommes dans l’axe dur de leurs productions, à savoir les films de monstres qui inondent véritablement les chaînes de la TNT. En plus de les passer sur SYFY, ces derniers les revendent aussi aux autres chaînes, c’est ainsi qu’un soir de Septembre nous tombâmes mes amis et moi sur Léviathan, la deuxième partie de soirée de NT1. En même temps que Basilic sur NRJ 12, qu’est-ce que je vous disais…
Après un concert de « Mais c’est vraiment nul ! » de la part de mes amis novices, de francs rires aussi faces aux incohérences, effets spéciaux, acteurs, doublages, je décidais d’acheter le film sur internet (Amazon est ton ami !) afin de pouvoir le revoir tranquillement, et en faire une chronique. Cette chronique !
L’histoire est assez simple, il y a néanmoins deux trames, dont l’une ne sert à rien. Le film débute sur l’évasion de deux prisonniers qui tentent d’échapper à des policiers aveugles (ils mettent plusieurs fois leur projecteur dans la direction des évadés, sans pour autant les voir). Les forces de l’ordre se font alors dévorer par une anguille géante, sans qu’aucun ne survive. Le lendemain le héros apparaît, vieux beau par excellence et accessoirement ex-mari de la sheriff. Cette dernière a demandé le divorce pour des raisons plutôt obscures, sûrement pour les besoins du film… Le massacre des officiers n’est même pas mentionné, il n’est question que des évadés et de leur traque.
Parallèlement à cela, des étudiants en biologie débarquent sur les côtes du marais afin d’assister un professeur de renommée internationale dans son étude des anguilles. Dotés d’un non-charisme absolu, ils nous éblouissent par leur bêtise, notamment les deux garçons qui sont censés être les bouffons du film. Inutile de vous dire qu’aucune de leurs blagues n’est drôle, la plupart touchant souvent le fond, du marais… On apprend assez rapidement que le scientifique s’est fait virer et qu’il a poursuivi seul ses reprises, en bon « savant fou ». La raison ? Il a créé une anguille géante qui a tué tout son personnel. Ce monstre, c’est le Léviathan ! Le reste du film tente de retracer la traque du monstre et celle des évadés lorsque rien n’avance et qu’il faut remplir le métrage de scènes inutiles.
Pourtant la jaquette du film est des plus alléchantes : « Parfois comparé à Anaconda ou Lake Placid [deux films à petits budgets plutôt appréciés par la critique], voici un film qui s’est créé une excellente réputation auprès des fans et des internautes [on se demande comment ?]. Une créature réussie [haha], de très nombreuses victimes [tu m’étonnes John], des séquences horrifiques à souhait [tout dépend si les films d’horreur vous font rire] : de quoi réjouir les amateurs d’un cinéma fantastique associant films de monstres et effets gore [Parce qu’il faut savoir qu’avant les films de monstres étaient très pudiques]». Et de conclure par cette superbe question « Un futur classique ? ». Après ça si le spectateur lambda n’a pas envie de se ruer sur cette œuvre d’auteur, on ne peut plus rien pour lui.
En réalité, avec tous les éléments que nous livre le dos du DVD, on peut démonter le film. La référence à Lake Placid par exemple n’est pas fortuite : en effet SYFY a décidé d’en faire un deuxième opus, qui a été chroniqué sur Nanarland, ce qui veut tout dire. Anaconda n’est pas en soi le meilleur film d’horreur de tous les temps, loin de là. Or, quand bien même ces deux films seraient des classiques, la comparaison n’est absolument pas viable ne serait-ce que du point de vue de la notoriété. À part les insomniaques et les détraqués mentaux comme nous, peu de personnes ont vu Léviathan, et pis, acheté…
Quant à la « créature réussie », on ne peut que s’esclaffer devant une telle antiphrase. Accoler ces deux mots relève de la folie. Le Léviathan n’a tout simplement jamais deux fois la même tête. Tantôt il ressemble à une anguille, ce qu’il est censé être, tantôt à un Alien dans une sorte de scène hommage, qui n’en porte que le nom tant la comparaison entre le monstre de Ridley Scott et celui de Patricia Harrington n’a pas lieu d’être. La bête est mieux faite dans un film qui a vingt ans de plus, et l’on sait pourtant que les effets spéciaux ont énormément évolué dans ce laps de temps. De plus la bête mesure tantôt deux mètres, et peut passer par des tuyaux, tantôt une dizaine de mètres et poursuit des acteurs qui ne courent pourtant pas très vite et n’ont de cesse de trébucher sur la classique branche. Enfin un détail qui a son importance, le titre de ce film, Léviathan, est une belle supercherie, tant son monstre ressemble à un basilic, ce qui est amusant puisqu’en même temps passait sur NRJ 12 un film du même nom dont la bête ressemblait à un… Léviathan !
Le dvd nous vend aussi de « très nombreuses victimes, des séquences horrifiques à souhait ». Pour le coup, on ne peut qu’approuver tant elles sont nombreuses. Logiquement la bête devrait être rassasiée, mais au contraire, elle doit manger une bonne dizaine de policiers au début du métrage (dont la mort est d’abord attribuée à un alligator… transgénique ?), avant de tuer la moitié des villageois. Son appétit semble insatiable, un peu trop à mon goût. Les séquences horrifiques, elles, sont plus hilarantes qu’autre chose, les effets spéciaux n’arrivent pas à masquer la moitié des corps lorsque la bête les avale, avec un grand nombre de faux raccords.
Les dialogues en eux mêmes, du fait des doubleurs ou tout simplement de la nullité du scénariste sont soit d’une platitude extrême (comme avec l’adjoint), soit d’une beauferie incroyable, soit d’une méchanceté gratuite. J’en veux pour preuve deux scènes avec notre héros dératiseur la première où il discute avec une habitante du village qui a des problèmes de flatulence avec Fluffy, son chien, lequel doit bien évacuer une demi douzaine de fois durant la scène. Mais notre héros a réponse à tout : « Je vous avais dit de ne pas lui faire manger des fruits ». Et d’ajouter cette pensée que n’aurait pas renié Pascal : « Beaucoup de personnes aiment plus leur chien que les êtres humains ». Pour la deuxième scène, il s’introduit dans la cuisine du restaurant du coin, dont il semble être un habitué. Il montre fièrement à la patronne et au chef cuistot un rat qu’il a pris dans un piège lorsque le cuisinier rétorque au vieux beau : « Ah bah il est stérile maintenant, comme toi ! » Et l’ami des bêtes de répondre : « Au moins j’ai pas les cheveux sales et le ventre plein de graisse », c’est méchant, c’est gratuit, c’est Léviathan !
Je suis obligé de parler du doublage, qui est un maillon essentiel d’un bon nanar. Il est ici catastrophique, tout simplement. L’adjoint du sergent est littéralement sous Tranxène durant tout le métrage, il nous assène des banalités incroyables ; alors qu’ils sont à la recherche de la bête, lui et un villageois avec une tasse de café dans la main, ne peuvent s’empêcher de philosopher sur les bienfaits de la vitamine au petit déjeuner. Surréaliste. On assiste aussi, au début à des doubleurs totalement démoralisés ; censés reproduire les conversations entre des policiers à la suite de l’évasion, ils nous assènent des banalités incroyablement ridicules, écumant tous les clichés imaginables : « Il faut faire un barrage », « Ils sont deux » : on a l’impression qu’après chaque phrase prononcée, le doubleur coche sur son texte avec un « ça c’est fait, alors ensuite …»
Les incohérences scénaristiques sont légions, j’en veux pour preuve une scène où l’un des étudiants, s’enfonce dans le marais pour aller déclarer sa flamme à sa camarade (sur une barque avec un autre élève) alors que l’anguille vient d’être signalée autour de l’embarcation. Et cet imbécile de continuer à déblatérer ses platitudes pendant que le monstre s’approche de lui, pourtant parfaitement visible. La meilleure ineptie scénaristique étant tout de même celle de la planification de l’anéantissement du monstre. Le scientifique n’a plus de cyanure (il l’a utilisé pour tuer un des villageois sans faire exprès, ridicule). Néanmoins on apprend alors que les anguilles, chose incroyable, ne supportent pas le sucre. « Mais où trouver du sucre ? » se demande, effondré, le dératiseur. « Du sucre, vous voulez du sucre ? Justement mon ami s’en servait comme drogue, il a un flacon de glucose ! » Quelle coïncidence invraisemblable - mais ce n’est pas le meilleur dans tout ça. Non, parce qu’ils entreprennent de faire fondre le sucre pour le mettre dans la seringue, afin de pouvoir l’insérer dans le monstre. Oui vous avez bien lu, désormais on tue les Léviathans avec du sucre fondu. Comment lutter devant tant d’inventivité scénaristique ?
En vérité ce film est un très bon nanar. Le monstre en lui même n’est pas si mal fait que ça, mais on sent que le responsable des effets spéciaux possède un énorme poil dans la main : il n’a que faire d’essayer de garder une certaine cohérence dans la représentation du monstre, notamment avec sa taille. Les acteurs sont pour la plupart nuls ; je suppose qu’avec un budget restreint on ne peut pas avoir accès à Nathalie Portman, néanmoins ici on touche souvent le fond. L’adjoint du sheriff remporte toute fois la palme du non jeu. Une partie de l’histoire ne sert à rien, ou du moins est sous exploitée quand on voit ce que le réalisateur fait de la trame principale… Enfin le doublage finit d’achever ce sympathique ratage. Un bon film d’horreur qui se veut effrayant et qui l’est, mais par sa nullité et l’incompétence de tous ceux qui ont participé à la réalisation de ce projet !