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Les deux Guerres nouvelles des Boutons
Cette année le cinéma a vu apparaître pour la première fois des films « jumeaux » ! En effet, La Guerre des Boutons de Yann Samuell (Jeux d’enfants, L’Age de Raison) sortie le 14 septembre à vue une semaine après, le 21 septembre, La Nouvelle Guerre des Boutons de Christophe Barratier (Les Choristes, Océan) sont sortis au cinéma au mois de septembre à seulement une semaine d’intervalle ! Et pour cause, les droits du roman de Louis Pergaud publié en 1912, La Guerre des Boutons : Roman de ma douzième année, connu notamment grâce à une première adaptation filmique très réussi d’Yves Robert en 1962, sont tombés l’année dernière dans le domaine public. Et nous avons été nombreux à nous rendre dans les salles obscures pour voir non pas un, mais les deux films afin d’en faire une comparaison.
Un sujet, deux films et deux points de vue très différents.
Tout d’abord nous pouvons voir à l’affiche des deux films nombres d’acteurs et d’actrices familiers au cinéma français. Dans le film de Yann Samuell, sont à l’affiche : Eric Elmosino (L’instituteur des Longevergnes), Mathilde Seigner (La mère de Lebrac), Alain Chabat (L’instituteur des Velrans) et Fred Testo (Père Simon). De l’autre côté, chez Christophe Barratier, répondent présents Guillaume Canet (Instituteur des Longevergnes), Laetitia Casta (Simone la mercière), Kad Merad (Le père de Lebrac), Gérard Jugnot (Le père de L’Aztec).
On peut d’ores et déjà noter que mettre autant de célébrités dans un film n’est pas un choix très judicieux. Si le résultat est convainquant dans le film de Samuell, dans le film de Barratier cela l’est nettement moins. Comme à son habitude le
producteur Thomas Langmann (Astérix aux Jeux Olympiques), nous gratifie d’un défilé incessant de célébrités. Le film en pâtit car chargeant la star à l’écran on y néglige l’histoire. En effet les personnages que jouent Jugnot, Casta, Merad ne sont qu’évoqués dans le film concurrent (voir même, pas mentionnés) ce qui donne l’impression que ces rôles on été ajouté pour pouvoir mettre plus de célébrités sans que ça soit indispensable à l’histoire.
Une fois confortablement installé dans notre fauteuil, une autre différence saute aux yeux : l’esthétique. Si La Guerre des Boutons de Samuell a un aspect authentique grâce à un filtrage plus naturel, du côté de Barratier l’image est belle car elle est nette, avec des couleurs vives et lumineuses. De plus elle offre à voir de grands plans de la campagne avec des travellings en hauteur et dès le début du film on sent la grosse production… Même chose au niveau des costumes, pour le film de Barratier les costumes sont travaillés, propres et modernes alors que le film de Samuell nous donne à voir des vêtements sales, déchirés et très simple. Ce qui est étonnant car l’histoire de Samuell se déroule en 1960 et celle de Barratier durant la Seconde Guerre mondiale donc on serait amenées à penser que les costumes du film de Barratier devrait être plus « dépouillés ».
Nous connaissons presque tous l’histoire de « la guerre des boutons » : une bataille que se livrent deux bandes d’enfants de villages voisins, les Longevergnes et les Velrans. La punition infligée à l’ennemi, se faire dépouiller de ses boutons, lacets et agrafes afin de se faire corriger par ses parents. Même si la trame de fond reste donc la même, les deux versions apportent des modifications à l’intrigue principale…
D’abord dans le contexte historique, le film de Barratier a choisi de placer l’histoire pendant l’occupation allemande afin de créer une densité dramatique plus forte. Ce qui est ici regrettable car on perd tout le côté de l’insouciance enfantine lorsque Violette, jeune juive est réfugiée chez sa tante la mercière. La guerre des adultes devient à ce moment-là, la guerre des enfants. Ce thème est devenu trop banal car bien souvent lorsqu’un réalisateur veut donner dans le dramatique, sa « recette magique » reste celle de la Seconde Guerre Mondiale et de la condition terrible des juifs à cette période. On y sentirait presque le réalisateur nous arracher les larmes.
A l’inverse Samuell a fait le choix de placer l’intrigue durant la guerre d’Algérie, mais celle-ci ne reste qu’évoquée. Du coup, la guerre des enfants ne reste qu’un jeu enfantin agréable à suivre et nous permet de relativiser face à la guerre, cette fois bien réelle, des adultes. Samuell ajoute une autre guerre, plus légère cette fois, celle que se livrent les deux instituteurs des villages ennemis.
Mais il n’est pas seulement question de guerres dans « la guerre des bo
utons » mais aussi d’amour. En effet dans chaque film, des personnages féminins ont été rajoutés. Ce qui permet donc au Lebrac de Samuell de vivre une amourette avec Lanterne, fillette qui grâce à ses « techniques de guerres » rejoint la bande des Longevergnes. Chez Barratier, le binôme de la mercière et de sa nièce a aussi été rajouté dans l’optique d’une romance dont l’instituteur et Lebrac sont les sujets. Le dernier personnage ajouté se trouve dans le film de Samuell, c’est le père Simon qui se met en scène dans des situations décalées remplies d’humour !
Pour ce qui est des enfants, là aussi les points de vue divergent … Barratier a pris le parti de faire jouer des enfants plus âgés, Lebrac parait facilement treize voire quatorze ans alors qu’il joue un enfant de douze ans, avec des vraies têtes de dur à cuire. Ce qui est dommage car la naïveté enfantine du film est moins présente, pour laisser la place à un gang de voyous. Tandis que Samuell nous montre un Ti Gibus adorable de par son visage attachant et ses répliques drôles de naïveté et de simplicité, et un Lebrac touchant par sa maturité et sa gentillesse.
En conclusion les deux films sur La Guerre des Boutons ont un style très différent car ils ne veulent pas toucher le même public. Le film de Barratier se veut plus sérieux, plus dramatique et donc un film destiné à un public adulte tandis que le film de Samuell est plus léger, drôle et enfantin et donc adapté a un plus large public (plus jeune).
Mélanie Desprez, L1 Humanités