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janv.
5

L'ars theatralis et les fléaux sociaux

                                                      L’ARS THEATRALIS ET LES FLEAUX SOCIAUX

                                                                La dimension curative du théâtre

        

            Faire du théâtre n’est pas de la sinécure. Disons-le, même si elle est une lapalissade. Faire du théâtre c’est aller en guerre contre certains fléaux sociaux. Les habitants du Burkina Faso ne diront pas le contraire du moins, dans la province du Kourittenga située dans la région du CENTRE EST du pays. Le Burkina Faso est un pays enclavé situé dans l’Afrique occidentale française. Pour comprendre cette réalité, faisons un petit voyage spirituel aux pays des hommes intègres.

Boanga n’a pas d’acte de naissance. Il ne sait ni lire ni écrire. Il est handicapé. Oh que de maux pour lui seul ! Après sa naissance, ses parents ne l’ont pas déclaré. Ses parents ne l’ont pas scolarisé. Ses parents ne l’ont pas vacciné contre la poliomyélite. Bon nombre d’enfants en Afrique souffrent de cette falsification identitaire. Quand on n’enregistre pas la naissance d’un enfant, on lui complique la vie plus tard quand il a l’âge d’être scolarisé. Ce n’est  qu’au moment où le directeur de l’école exige l’acte de naissance pour l’inscription de l’enfant que les parents se rendent compte de la préciosité de ce document.

 

Pour faire établir l’acte de naissance, le parent se rend au bureau de l’état civil de la mairie. 

 Parent : nee yibeoogo !(bonjour en mooré*). J’ai besoin de faire établir l’acte de naissance de mon enfant.

*Le mooré est à la langue nationale du Burkina Faso et la langue maternelle de l’auteur du présent article

 

Agent administratif : l’avez-vous déclaré à sa naissance ?

 Parent : déclarer quoi ? L’enfant ? Non !

Agent administratif : Vous devriez impérativement déclarer votre enfant après sa naissance.

Parent : Je ne le savais pas !

Oui, le père de Boanga est analphabète et il n’a pas déclaré la naissance de son enfant le privant ainsi de l’acte de naissance.

           Plan international est une organisation non gouvernementale qui finance des troupes ambulantes qui produisent des sketchs traitant des fléaux sociaux. Par exemple, on a pu constater jusqu’en 2008 que beaucoup d’enfants n’avaient pas d’actes de naissance parce que leurs parents ne les avaient pas déclarés à leur naissance. Les structures sanitaires sont éloignées des villages et sont en effet basées dans les chefs lieu de département.  

            Bon nombre de femmes accouchent intra muros dans des conditions précaires étant donné le manque de moyens de transport adapté. Une fois que l’enfant est né, ses parents crient de joie et ne pensent pas aussi à aller déclarer sa naissance. Le premier cadeau à offrir à un nouveau-né c’est de déclarer sa naissance dans les services de l’état civil les plus proches. L’Etat burkinabé a fait ce constat amer et a lancé des campagnes de sensibilisation.

          Appelons à l’amiable un « né vers », une personne dont on ignore la date de naissance précise. Le « né vers »  ne fête pas son jour anniversaire et fête probablement son an anniversaire puisqu’il ne sait pas le jour exact où il est né.  Pour faire établir à défaut un jugement supplétif d’acte de naissance pour son enfant, il devra faire un pas dans le passé. Il s’agira pour lui d’essayer de trouver un fait, un évènement marquant qui a eu lieu approximativement au même moment que la naissance de l’enfant. On aura des discours du type : il est né au moment où la foudre a abattu l’arbre solitaire du village. Il est né au même moment que le fils d’untel ; il est né l’année où…   bref ! Le père de famille se perd dans des approximations, des tentatives de reconstituer la vérité sur la date de naissance. Quelle douleur de ne savoir pas le jour exact où l’on est né !


Toi lecteur, sais tu le jour où tu es né ?

Heureux es tu donc si tu as été enregistré à ta naissance dans le registre de l’état civil.

 

Toi lecteur, as-tu été scolarisé ? Oui, tu l’es puisque tu sais lire et écrire.

Heureux es tu donc !

 

Heureux ceux qui ont été vaccinés à leur naissance contre la poliomyélite.

 

           L’art théâtral burkinabé est très marqué par son caractère ambulant.  Nous sommes dans une configuration où le spectateur ne va pas à la recherche du message : c’est le message qui le rejoint. Les comédiens sont des colombes qui vont aux antipodes pour annoncer le message de délivrance. L’art pour l’art n’a donc pas sa place dans une telle configuration.     

          Le théâtre est un instrument qui fait rire et fait passer un message. Sa spécificité est qu’il traite des problèmes de la société. Le mariage forcé, le SIDA, l’analphabétisme sont quelques exemples de maux dont souffrent la société burkinabé et que les comédiens s’efforcent de traiter.

            

           Le théâtre africain en général et burkinabé en particulier recherche la guérison d’un vice chez la personne du spectateur, la résorption d’un fléau chez la société et tache bien de toucher le point central du problème.  Le théâtre est une croisade laïque, sans empreinte de religiosité et dont l’objectif est de sensibiliser les gens sur un malaise social ou tout uniment éveiller les consciences sur certains méfaits.

             En clair, l’art pour l’art n’a pas sa place dans cette configuration. Une des spécificités du théâtre burkinabé est qu’il ne recherche pas à représenter le surnaturel mais se donne le projet de changer la société.

             Le caractère ambulant du théâtre rejoint l’idée de l’ambulance qui va secourir une personne malade. Cette ambulance prend de l’ampleur du fait du besoin pressant d’éradiquer certains fléaux sociaux.

            La faible propension des gens à se déplacer d’un village à l’autre fait que vouloir stabiliser une troupe, c’est la vouer à l’échec. Il n’appartient pas au public cible d’aller à la rencontre du divertissement. C’est le divertissement par le biais des acteurs comédiens qui vont aller à  la conquête du peuple. Le comédien apparaît comme un missionnaire. 

         Les représentations sont rares non seulement parce qu’elles doivent inviter à réfléchir mais parce qu’elles sont dispendieuses. Plus elles sont nombreuses, moins le public retient le message. Les comédiens grâce aux différents financements doivent louer un véhicule, mettre de l’essence et aller dare-dare vers les populations rurales. La contrainte budgétaire y milite pour quelque chose. 

            L’analphabétisme semble être héréditaire au Burkina. 90% de la population est analphabète ! Malgré tout, bon nombre d’enfants dont les pères sont analphabètes sont sauvés des eaux de l’ignorance chaque année.

 

                                                                                    Non scholae, sed vitam discimus !

OUEDA Wamanegueba Justin

L1 Humanités, Droit, Economie-Gestion

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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