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Camille-Duverger - Posted on 21 février 2012

 

           Malgoska Szumowska est une jeune réalisatrice polonaise qui a déjà remporté quelques succès mais dont nous n'avons même pas entendu parler en France. Pour son premier film diffusé en France, elle va donc nous faire un portrait peu banal de la société : Elles. Anne doit rédiger un article sur la prostitution des jeunes  faisant cela pour financer leurs études et rencontre alors Lola et Alicja qui vont tout lui raconter sans pudeur. Au fur et à mesure que Anne se rappelle de ses discussions avec ces jeunes femmes, on voit les répercussions de ces recherches sur sa propre vie. Le film prend forme surtout grâce à ses actrices, avec le jeu délicat de Juliette Binoche et la confirmation du talent de Anais Démoustier, mais on pourrait surtout retenir le jeu de

Joanna Kulig qui joue avec les personnages et les spectateurs. Ces actrices qui monopolisent la caméra nous font un peu oublier le récit quelque peu déconstruit, ce qui lui fait perdre une vraie unité faisant ressortir deux choses très différentes. En effet, d'un côté nous avons la vie d'Anne et de l'autre celle des jeunes femmes, et ces deux « parties » relèvent de sensibilités complètements différentes.

       
 
D'un côté nous avons Anne qui, lorsqu'elle interviewe les jeunes prostituées, semble très distante, encore derrière un tabou qu'elle essaye de lever et en levant peu à peu cette gêne, et peut-être ses préjugés du début, elle va en quelque sorte laisser rentrer ces femmes dans sa vie et elles vont tout chambouler. On retrouve vraiment quelque chose de délicat avec une femme qui semble prendre conscience de la noirceur et de l'hypocrisie de sa société. « On n’est pas responsable ? » demande-t-elle à son mari lors d'une dispute, mais on ne sait pas très bien de quoi elle parle.. Cette question ambiguë révèle tous les bouleversements et l'incompréhension dont Anne est sujette. Ces femmes sont rentrées dans sa vie et lui ont montré quelque chose qui à sa surprise avait l'air plus sain. Elle a changé sa vision d'un certain nombre de choses, ce que l'on voit surtout à la fin dans la scène improbable du dîner où elle se retrouve avec tous les hommes dont Alicja et Lola lui ont parlé.


         De l'autre côté : l'histoire et les images de la vie de Lola et Alicja. Toute la délicatesse du message de ce que nous venons de voir est piétinée par cette approche statique du sujet qui devait faire la force du film : la prostitution. Dès le début nous devenons des voyeurs, avec une scène filmée dans le noir où une jeune fille fait une fellation à un homme « qui pourrait être son père », nous sommes gênés de presque faire partie de ce qu'on devine être un acte de prostitution. Avec ces scènes la réalisatrice veut nous provoquer et nous faire réfléchir. Si la partie de la provocation fonctionne assez bien, sans montrer pour montrer, la réflexion proposée quant à elle semble un peu plate, ça se rapproche de quelque chose comme... La prostitution c'est génial. Les jeunes femmes trouvent du plaisir dans leur travail et tout sentiment de soumission n'existe plus ou du moins quand il est là leur donne du plaisir. Il suffit de quelques règles et d'une bonne organisation pour faire marcher le tout et la vie en devient nettement moins horrible, nous permettant de jeter les HLM et les pulls en acryliques (!) au caniveau. La réalisatrice, en voulant s'échapper du stéréotype classique de la prostituée malheureuse, soumise et souhaitant en finir avec cette situation, s'est réfugiée dans un autre stéréotype : celui de la prostituée épanouie. Au final, nous avons l'impression d'avoir à faire à des adolescentes pourries gâtées, arrivant de leur petite campagne, avec des problèmes relationnels avec leur mère, qui voient dans la prostitution une option simple et facile et qui ne semblent pas vraiment être conscientes de ce qu'elles sont en train de faire, et surtout qui semblent penser que tout le monde devrait faire de même. On essaie presque de nous vendre une prostitution jolie et libératrice, mais les arguments semblent trop faibles.

         Nous sortons donc quelque peu déçus du film avec un sentiment de quelque chose d'incomplet qui aurait peut-être pu tenir la route si il n'y avait pas autant de naïveté et de bonnes intentions.

 

 

Elles de Malgoska Szumowska, sorti le 1 février, 1h36.

 

Camille Duverger, L1 Humanités.

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