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10 mai 1774
La fièvre est puissante, les croûtes ont remplacé les boutons, son visage est noir… A présent, les médecins ont perdu tout espoir de sauver Louis XV. La petite vérole est en train d’emporter le roi malgré le mieux de ces derniers jours, et tous les remèdes administrés. Et tandis que la Cour s’agite, que les gens parlent, les domestiques écoutent.
J’écoute… Car les domestiques entendent tout, voient tout, sont présents dans les conversations les plus secrètes, même s’ils n’y sont jamais invités. Même si gens de la Cour ne les entendent guère, ne les voient guère.
De la chambre du roi, et tout alentour montent les rumeurs et des potins de la Cour, qui vient s’enquérir, inquiète, curieuse, de l’état du monarque. L’affliction est sur tous les visages. Mais certains, peut-être, se réjouissent aussi secrètement, sous le masque de la tristesse. Car Versailles ne vit que de ça, de paraître. Le paraître est maître en ces lieux.
Quant au peuple, il vaque à ses tâches ordinaires, indifférent à l’état de santé de son monarque. Depuis l’épisode de Metz, où Louis XV a failli mourir, et où l'on a exigé de lui de se confesser publiquement, il n'a plus confiance en son roi. Cela fait trente ans, déjà, mais il ne lui a pas pardonné. Et puis il se dit peut-être que Louis XV va de nouveau s’en sortir, comme la dernière fois… Mais le roi est réellement proche de la fin. Je le vois, moi.
Onze heures, la fièvre se fait de plus en plus forte et le roi délire. Malgré une ultime tentative des médecins pour le sauver, il est à l'agonie. Les gens de la Cour quittent sa chambre les uns après les autres, tant le spectacle est insoutenable. Quand, aux alentours de trois heures de l'après-midi, il rend l'âme, tous, sans exception, sont déjà prêts à venir s’agenouiller devant les nouveaux — bien trop jeunes — souverains, Louis XVI et Marie-Antoinette, pour crier : « le roi est mort, vive le roi ! ».
Joséphine Phippen - L1 Humanités