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Naoki Urasawa, le monstre sacré du manga
Naoki Urasawa est une référence incontestable dans le domaine du manga, connu pour ses thrillers plébiscités par la critique. Zoom sur un mangaka devenu culte.
Quoi ? Un auteur de manga ? Ces bandes dessinées typiquement japonaises, aux personnages affublés d’yeux gigantesques et de coupes ridicules, aux scénarios mièvres réservés aux enfants ou au contraire bien trop violents ?
Halte là ! Laissez vos idées reçues de côté et précipitez-vous sur les œuvres de Naoki Urasawa. Quelques tomes de Monster ou de 20th Century boys, ses deux gros succès, vous feront oublier tous vos préjugés.
Naoki Urasawa, c’est avant tout l’un des rares mangakas à la renommée internationale. Avec plus de 100 millions de mangas vendus à travers le monde, il pourrait presque tutoyer le maître incontesté de la bande dessinée japonaise, Osamu Tezuka (Astro Boy, Le Roi Léo). Les critiques non plus ne s’y trompent pas et tous s’accordent sur l’immense talent d’Urasawa dont témoignent ses nombreux prix : trois Prix du manga Shōgakukan, trois Prix d'Excellence du Festival des arts médias de l'Agence pour les affaires culturelles, deux Grands Prix du Prix culturel Osamu Tezuka, deux Prix au Festival d'Angoulême...
Une renommée inattendue
Pourtant, Naoki Urasawa n’avait pas pour projet de devenir mangaka dans ses plus jeunes années. Griffonnant quelques dessins à l’école primaire, il se désintéresse de la BD en entrant au lycée - il s’imagine plus en star du rock et devient fan de Bob Dylan, au point de s’acheter une guitare pour suivre ses pas.
Tout commence en 1982, quand, à la recherche d’un emploi, il propose son manuscrit Return à la société d’édition Shôgagukan. Ses dessins sont alors remarqués et en 1986, sa première série, Pinneaple Army, est éditée. Il enchaîne alors sur un immense succès, Yawara, qui est adapté en dessin animé et suivi par des milliers de Japonais chaque jour. Sa carrière continue de best-sellers en best-sellers, jusqu’au point de toucher un public international : pour preuve, Monster s’est vu accorder le prix du meilleur scénario en 2003 et 20th Century boys celui de la meilleure série en 2004 lors du Festival d’Angoulême.
Des scénarios complexes servis par un dessin réaliste
Pourquoi un tel enthousiasme partout dans le monde ? Certainement parce que Naoki Urasawa réussit l’exploit de réunir à la fois le jeune lectorat du manga en pleine croissance et les amoureux de la BD traditionnelle européenne.
Avec ses dessins réalistes, presque plus proches du style des BD franco-belge que celui des BD japonaises, il n’effraie pas les occidentaux rebutés par les grands yeux et les expressions souvent exagérées propres aux mangas. Ses modèles sont d’ailleurs aussi bien japonais qu’européens : Urasawa dit lui-même vouer un véritable culte à Jean Giraud, alias Moebius. Sa maîtrise des trames et son talent pour donner vie aux émotions des personnages servent à merveille ses thrillers au suspens insoutenable.
En effet, c’est surtout pour ses scénarios sophistiqués qu’Urasawa est encensé. Ses séries, d’abord mièvres (Yawara nous conte l’histoire d’une lycéenne, petite-fille d’un célèbre judoka, qui pense plus aux vêtements qu’à faire du sport au grand désarroi de son grand-père…) gagnent en profondeur avec Happy! qui évoque notamment la prostitution.
Dans les deux autres best-sellers qui suivent, Monster et 20th Century boys, l’histoire se déroule sur des dizaines d’années et dans de nombreux pays. Véritables explosions de suspens, ces œuvres mêlent enquête historique, analyse du mécanisme des dictatures et nombreuses réflexions philosophiques sur la doctrine manichéenne ou l’existentialisme par exemple – « J’essaie de capter le moment où la frontière entre le bien et le mal s'estompe, cet instant ambigu où nos choix auront une répercussion sur l'avenir », explique Urasawa.
Le premier, thriller psychologique haletant, raconte l’histoire de Tenma, neurochirurgien de génie qui a le malheur de soigner un jeune garçon. Malheur, car il ne sait pas encore qu’il a donné une seconde vie au résultat d’expériences terrifiantes menées lors de la Seconde Guerre Mondiale.
Le second nous montre la mise en place d’un régime autocratique mondial par une secte, dont les motivations du gourou, le fantastique Ami, prennent racine dans son enfance.
Urasawa est déjà sur une nouvelle série : Billy Bat, qui vient tout juste de sortir en France, semble suivre le chemin de ses précédents thrillers.
Et c’est tant mieux, car si les œuvres d’Urasawa nous font réfléchir, le mangaka ne tente jamais de nous imposer sa vision des choses : « Je ne donne jamais de réponse aux questions que je pose. Dix lecteurs comprendront mes histoires de dix manières différentes. Mon objectif est de créer des ambiances et de jouer avec les dilemmes qui sont le propre de l’humanité ».
C’est peut-être bien cela qui fait la force de ses œuvres.
Fanny G.
Naoki URASAWA, 20th Century Boys, Panini, 8,95€
Naoki URASAWA, Monster, Kana, 7,45€
Naoki URASAWA, Billy Bat, Pika, 8,05€