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Bob Fosse : Cabaret (1972) sticky icon

a.struve - Posted on 29 novembre 2012

 

 

Qui n’a jamais entendu les premières notes de la chanson sur laquelle s’ouvre le chef-d’œuvre de Bob Fosse, Cabaret ? « Willkommen, Bienvenue, Welcome ! »… Adapté de la comédie musicale Cabaret, écrite par Joe Masteroff et mise en musique par Fred Ebb et John Kander, ce film, qui a rendu célèbre Liza Minnelli, fait aujourd’hui partie des grands classiques du cinéma américain.

Berlin, début des années 30. Le Kit Kat Klub emploie Sally Bowles, jeune chanteuse américaine de talent qui rêve de gloire et de paillettes. Elle rencontre Brian Roberts, timide écrivain anglais qu’elle s'efforce de séduire, et qui finit par céder à ses avances après de nombreux refus. Puis les deux artistes font la connaissance de Maximilian, un riche aristocrate allemand, dont le charme dérangeant va très rapidement les séduire. Parallèlement, le spectateur fait connaissance avec Natalia, une jeune héritière juive, et Fritz, un jeune homme qui se fait passer pour protestant afin de mieux dissimuler ses origines juives dans une société de plus en plus antisémite. Ces deux personnages, beaucoup moins naïfs que les deux personnages principaux s'aiment d'un amour impossible, tiraillés entre leurs origines et l'obscure histoire d'une Allemagne bientôt envahie par le nazisme.

Le film s’ouvre sur le numéro très connu —  et posant d’emblée le décor — du maitre de cérémonie (interprété par un Joel Grey enjoué mais angoissant) souhaitant la bienvenue à ses clients. Tout au long du film, cet « hôte », comme il se nomme lui-même, tiendra le rôle du narrateur — un narrateur que l’on pourrait aisément comparer au Chœur de la tragédie antique. Puis nous nous trouvons embarqués dans une œuvre dont les images subliminales nous montrent une lente et progressive montée du nazisme, faite d'une incroyable violence, quoique plutôt discrète. C'est ainsi que, tandis que nous suivons l’histoire qui lie Maximilian, Brian et Sally, l’Histoire, avec un grand H, prend de plus en plus de place. Finalement, la scène clef du film a lieu : dans une auberge, en compagnie des trois protagonistes, toujours insouciants. Une chanson fend l’air : Tomorrow belongs to me, interprétée par un jeune garçon au visage angélique et aux cheveux blonds. Puis, un lent mouvement de caméra, descendant de la tête du jeune chanteur vers sa poitrine, nous révèle un habit beige aux couleurs des Jeunesses hitlériennes. Le nazisme  jusqu’ici présenté en second plan, sans contact réel avec les personnages, s'impose alors avec force. Nous comprenons soudain que nous sommes en train d'assister à la naissance du règne d’Hitler, et que le monde naïf et insouciant dans lequel l'action s'était déroulée jusque-là, et où seuls semblaient compter la gloire et l’amour, a définitivement été balayé. A l'insu de tous, et d'abord de nous-mêmes. Car comme les Allemands de l’époque, le spectateur est confronté l’aveuglement de la montée du nazisme. Et il lui faut attendre le coup de massue de la réplique de Natalia ― « Ne voyez-vous pas ce qui se passe en Allemagne aujourd’hui ? » ― pour l'admettre : tout était déjà là depuis le début.

Enfin, l’œuvre se clôt comme elle a commencé : au cabaret, en compagnie du maitre de cérémonie. Mais à un détail près : les Nazis sont désormais présents au sein du Cabaret. La réalité a rattrapé le monde naïf créé par la troupe du Kit Kat Klub. La boucle est bouclée.

                                                                       Flora GAGNON – L1 Humanités

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