Répondre au commentaire
Peter Jackson : Le Seigneur des Anneaux
Lorsque Peter Jackson a annoncé son intention d’adapter Le Seigneur des Anneaux au cinéma, son projet a paru excessivement ambitieux. En outre, il a suscité certaines appréhensions.
On gardait en effet en mémoire le souvenir de certaines tentatives antérieures qui avaient été bien peu satisfaisantes. Un projet de dessin animé envisagé aux alentours de 1957-1958 avait été ainsi jugé catastrophique par Tolkien lui-même, tant il simplifiait l’histoire et lui ôtait de sa vraisemblance. Et un film d’animation de Ralph Bakshi, sorti en 1978, n’avait rencontré qu’un accueil très mitigé du fait de l’incohérence de sa narration et de la déformation complète qu’y subissait le livre de Tolkien. L’un et l’autre, de fait, présentaient Le Seigneur des Anneaux comme un simple conte pour enfant – ce que le livre n’est évidemment pas.
Cependant, Peter Jackson n’a pas suivi le même chemin que ses prédécesseurs. Et le film qu’il a réalisé présente un certain nombre de qualités.
En premier lieu, il incite à coup sûr à lire le livre de Tolkien. En effet, Peter Jackson a su sélectionner les bons passages du récit et se focaliser sur les détails capables non seulement de nous captiver mais aussi de nous mettre en haleine. Le spectateur, en regardant le film, a envie de découvrir l’œuvre de Tolkien et son univers, et est amené habilement à la lecture.
Ensuite, le réalisateur a parfaitement réussi à recréer l’univers de la Terre du Milieu, où se déroule l’histoire, en usant des ressources propres au cinéma. Grâce à la technologie du numérique, nous nous trouvons plongés dans cet univers d’une manière encore plus immédiate, peut-être, que lorsque nous lisons le récit. Et les possibilités sonores du cinéma nous permettent aussi d’entendre l’étrange langue « elfique » ; ou encore, en nous laissant emporter par la symphonie de Howard Shore, de mieux entrer dans l’atmosphère à la fois épique et mythique du récit.
Le film de Peter Jackson est sans aucun doute à ce jour l’adaptation la plus fidèle à l’esprit du livre de Tolkien et la plus belle. Mais il faut cependant noter au moins deux différences importantes entre le livre et le film. La première concerne les personnages. Jackson a préféré donner la primauté aux personnages de Gandalf et Aragorn, alors que Tolkien a fait de Sam et Frodon les deux personnages principaux de son récit. Quant à la seconde, elle a trait à la représentation du Bien et du Mal. Tolkien a eu le souci constant d’éviter tout manichéisme, et tout son récit suggère que le mal se trouve moins en un seul des personnages que dans chacun d’entre eux – tous pouvant être sujets à des moments de faiblesse, tels Boromir, Gollum, Denethor, Frodon… Cet aspect est beaucoup moins lisible dans l’adaptation de Jackson.
Alexandre Boisgard – L1 Humanités