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Boby Lapointe, un homme qui sort de l'ordinaire (1/2)
Soumis par claire.barrois le dim, 03/29/2009 - 21:03Comme j’aime beaucoup Boby Lapointe, j’ai voulu vous faire découvrir sa musique. Seulement l’originalité de sa musique est fortement liée à la vie mouvementée du chanteur. Voici une courte biographie.
C’est à Pézenas, dans le sud de la France, que naît Robert Lapointe, le 16 avril 1922. Dans ses mémoires, il résume son enfance ainsi : « Élevé par mes parents. Études au collège. Fort en maths ». C’est surtout un adolescent farceur qui en fait voir de toutes les couleurs à ses enseignants, comme aux habitants de son village. Son bac en poche, il prépare les concours d’entrée à deux grandes écoles : l’École Centrale et Sup-aéro, parce qu’il a toujours rêvé d’être pilote de chasse.
La guerre interrompt ses desseins. A vingt ans, il est envoyé en Autriche pour le service du travail obligatoire (STO). Il s’évade en 1943 mais se fait attraper lors d’une rafle. Il utilise alors le nom de Robert Foulcan. S’ensuivent sept mois de cavale avant son retour à Pézenas en 1944. Pour échapper aux recherches, il devient scaphandrier à la Ciotat, la mer étant le meilleur endroit pour rester caché.
Dans les années 1940, il invente un système d'embrayage automatique pour automobile, qu’il propose aux principaux constructeurs. Ceux-ci estimant que son invention est sans avenir, Boby Lapointe ne dépose pas de brevet. L’année suivante, un américain dépose un brevet pour un système similaire…
A partir de ce moment, il commence à composer des chansons, dans un style très marginal. Elles sont trop intellectuelles pour qu'on lui donne facilement sa chance : elles sont tout en calembours, jeux de mots et contrepèteries. Il rédige également un recueil de poésie et un traité sur les calembours. Il cherche des interprètes pour ses chansons, mais son style rebute : les Frères Jacques, entre autres, déclinent sa proposition, un peu effrayés par la complexité de ses textes.
En 1946, Boby Lapointe épouse Colette Maclaud, avec qui il aura deux enfants, Ticha et Jacky, en 1948 et en 1950.
Il publie un livre en 1951, Les douze chants d’un imbécile heureux. Il s’installe ensuite à Paris avec sa famille pour ouvrir un magasin de layettes, mais la boutique fait faillite et le couple divorce dans la foulée. Il se reconvertit alors comme marchand d’antennes de télévision. Pendant ce temps, il écrit beaucoup de chansons et part à la recherche de personnes pour les interpréter.
C’est en 1954 que sa carrière musicale débute vraiment : sa chanson « Aragon et Castille » est choisie pour être interprétée par Bourvil dans le film Poisson d’Avril. Le film ne rencontre pas le succès attendu, mais Boby Lapointe est introduit dans le milieu parisien.
Il commence à chanter au cabaret « Le Cheval d’Or » et y croise Georges Brassens, avec qui naîtra une sympathie réciproque. Il se fait remarquer en 1959 pour sa présence physique -à cause de sa taille et de sa façon de battre la mesure avec les bras ou en tapant du pied, pas toujours tout à fait en rythme-, mais aussi pour son élocution aléatoire et ses textes tout en jeux de mots. François Truffaut, présent dans la salle du « Cheval d’Or », est totalement fasciné, et propose à Boby de chanter les titres « Marcelle » et « Framboise » dans son film Tirez sur le pianiste (dans lequel joue déjà Charles Aznavour). A la demande du producteur, il rajoute des sous-titres pendant les interprétations de Lapointe parce qu’on ne comprend pas toujours ce qu’il dit…
Lapointe rencontre Philippe Weil sur le tournage. Celui-ci l'engage dans un autre cabaret parisien, « Les Trois Baudets ». En 1960 et 1961, Lapointe y enregistre deux disques et rencontre enfin le succès grâce à des chansons comme Marcelle, La Maman des poissons, Bobo Léon et Aragon et Castille. Boby Lapointe est désormais reconnu par la profession et par le public : il sortira plus de cinquante titres en une décennie.
Dans les années 1960, il part plusieurs fois en tournée avec Brassens. Mais son côté fantasque lui fait commettre des erreurs : il ouvre un café-concert, « Le Cadran Bleu », qui fait rapidement faillite. Brassens éponge alors une partie de ses dettes et l’aide à trouver de quoi vivre. De son côté, le directeur des programmes d'Europe 1, Lucien Morisse, intervient pour qu'il signe un contrat avec les disques AZ. Mais le style de Lapointe, démodé, ne fait plus autant recette, ni sur les ondes, ni dans les bacs.
Pendant cette période, il ne gagne toujours pas sa vie grâce à la musique. Il joue alors de nombreux rôles au cinéma. On le verra dans Max et les ferrailleurs et Les Choses de la Vie de Sautet, Rendez-vous à Bray, La veuve Couderc et Les assassins de l’ordre.
Dans le même temps, Joe Dassin pousse Lapointe à signer un nouveau contrat tout en devenant son producteur. Lapointe part en tournée pour promouvoir son dernier album, Comprend qui peut. Un portrait du chanteur, en pull marin et le nez dans les pâquerettes, réalisé par le peintre naïf Maurice Ghiglion-Green, illustre la pochette de l’album. Ce portrait deviendra, quelques années plus tard, l'icône de Lapointe.
En 1968, il invente le système bibi-binaire, système de numération légitimé par les scientifiques, qui rappelle le système binaire utilisé en informatique. Ce système sera publié en 1970 dans le livre Les Cerveaux non humains, introduction à l'Informatique (S.G.P.P.), de Jean-Claude Quiniou, Jean-Marc Font, Gérard Verroust, Philippe et Claudine Marenco.
Mais le chanteur souffre d’un cancer, et, après avoir chanté sur scène à Bobino pour la dernière fois, en première partie de Pierre Perret, il meurt le 29 juin 1972 à Pézénas.
Il n'aura enregistré qu'une cinquantaine de chansons.
Boby Lapointe a été redécouvert depuis sa mort, grâce à la publication de ses chansons en coffrets. Il est aujourd’hui apprécié par un large public, pour les mêmes raisons qui l’ont, de son vivant, empêché de s’installer durablement dans le succès.
Claire BARROIS (L2)