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Liz Lascivious

Liz Lascivious, chanteur du groupe de glam-punk suédois Leaded Fuel, a accepté gracieusement de se prêter au petit jeu de l’interview (« Tu rigoles, j’adore les interviews ! »). J’ai donc profité d’avoir un représentant du genre, et pas n’importe lequel, sous la main pour expliquer ce qu’est le courant sleaze / glam ; occasion que nous avons tous deux saisie pour parler de son groupe.

Je tiens également à préciser que Liz et moi sommes bons amis depuis un moment, ce qui explique le ton souvent relâché et les blagues parfois un peu vaseuses, même si j’ai tenté d’arrondir les angles : tout n’est pas à prendre au premier degré !

Tout d’abord, comme cette interview sera lue par des étudiants français qui n’y connaissent pas forcément grand-chose au sleaze / glam (ni même au rock pour certains), comment est-ce que tu définirais ce courant ? Pas seulement comme musique, car il y a aussi des répercussions sur l’apparence et l’attitude, non ?

Eh bien, Twisted Sister disait : "Look like women, talk like men and play like m*therf*ckers" (on se passera de traduction). Si tu veux faire court, c’est la meilleure citation. Mais il y a autant de genres de rock (ou de n’importe quel type de musique) que de réponses différentes, selon la personne à qui tu le demandes. Certains ont plus de sous-genres que d’autres, et quelques-uns se définissent d’une autre façon, etc. Le « rock 80’s », du moins ici, peut par exemple être divisé en deux styles principaux : les mecs qui écoutent de l’AOR [1], et ceux qui sont plus orientés vers le sleaze punk. Nous, on appartient au second groupe. La musique est très simple, un peu comme le punk mais avec des solos de guitares plus longs et une batterie plus lourde. En général, la voix est assez haut perchée. Mais pas la mienne ! (rires)
L’attitude a tendance à être plus punk : beaucoup de boissons, de drogues et de politiquement incorrect. Sans aucune ambition politique cependant ! (rires) De toutes façons, c’est assez dur d’être autre chose qu’un punk [2] de nos jours puisqu’il n’y a plus d’argent dans ce business (ce qui est très dommage : j’adorerais défoncer une bagnole de luxe… (rires) )

Et comment un néophyte peut-il être sûr qu’il se trouve face à une population sleaze / glam ?

Tu sais que tu es en face de gens sleaze / glam si tu trouves qu’ils ressemblent à un drôle de mélange entre une bande de travelos et un gang de motards ; surtout s’ils sont en train de boire du Jack Daniel’s ! (rires)

Plus précisément, ton pays (et la Scandinavie en général) est devenu un des nouveaux bastions du rock aujourd’hui : qu’est-ce que tu en penses ?

Ah, mon dieu, je déteste ce genre de “questions suédoises”, désolé… (rires) Mais en fait ce n’est pas si nouveau par rapport au genre sleaze / glam. La presse et tout ce qui gravite autour parlent d’un « miracle suédois » de la musique depuis cette m*rde d’ABBA ! Ceux qui sont sympas disent qu’on a beaucoup de groupes grâce à l’éducation musicale financée par les impôts à laquelle tous les jeunes qui le souhaitent peuvent accéder. Les plus cyniques disent que c’est beaucoup plus dû à une généreuse allocation chômage… Mais bon, c’est sûr que pour ce genre de musique, ça aide de vivre ici puisque les gens sont relativement tolérants par rapports aux kids qui s’habillent n’importe comment ! Enfin, c’est ce que j’ai entendu dire d’amis qui viennent d’autres pays (et particulièrement de France…).

Est-ce que ce n’est pas difficile d’être un groupe de rock parmi d’autres ? Comment est-ce que vous vous débrouillez pour faire la différence ?

Très bonne question… Je ne suis pas tout à fait sûr que ‘ça fasse la différence’, mais j’ai au moins essayé d’écrire des paroles avec un certain contenu, un poil supérieur aux clichés qu’on trouve dans l’anglais typiquement scolaire. On a aussi essayé de relever un peu plus haut l’image du rock’n’roll old school en général, un peu plus haut que ce que font tous ces « mecs efféminés [3] » d’ici quoi ! (rires)


Et qu’est ce que tu penses de ces gens qui soutiennent que le rock doit rester “
underground” ?

Je ne suis pas sûr de comprendre exactement, à vrai dire. Est-ce que le rock’n’roll a DEJA été « underground » ? Pas depuis qu’Elvis se déhanchait à la télé, en tout cas… Mais peut-être que ces gens parlent d’un sous-genre particulier du rock, mais là on retombe dans des guéguerres de classification et c’est plutôt ennuyeux. Si les pires crétins du punk indie veulent rester underground, tant mieux, qu’ils le fassent. J’aurai plus besoin de les supporter comme ça ! (rires)

Ca y est, on arrive au point le plus intéressant : ton groupe ! (« Thanx God and Tom ! » [4] ) Comme je le disais, il y a de plus en plus de groupes suédois qui envahissent la planète du rock, alors comment a été formé Leaded Fuel dans tout ce joyeux (et bruyant) bazar ?

C’était à l’automne 2006. Kongo et moi venions de voir notre groupe se désintégrer et on a alors décidé d’en former un nouveau. On a rencontré John Priest qui avait écrit quelques chansons que son groupe ne voulait pas jouer à ce moment-là. On a débauché Ollie et Andy aussi, qu’on a connus grâce à des afters [5] et au bouche à oreille. Ensuite on a fait notre démo… Et le reste appartient à l’histoire (rires). Dallas nous a rejoints à l’été 2007 et a joué sur notre premier album enregistré quelques mois plus tard.

Et qui a le contrôle des opérations ?

Si on avait un leader, je ne pourrais pas te dire qui c’est, parce que c’est totalement contraire au code de l’humilité propre à la culture suédoise ! (rires)

J’adoooooore la façon que tu as (parce que j’imagine que c’est toi) de décrire la façon dont “sonne” Leaded Fuel : "A -70 Ford Mustang with four strippers hitting a truck full of Budweiser in central Stockholm 2.30 a Friday night." (Une Mustang de 70 avec quatre strip-teasers dedans percutant un camion plein de Budweiser dans Stockholm-centre un vendredi soir à 2h30 du matin). Bon, moi ça semble assez clair, mais je pense que ça ne l’est pas forcément  pour quelques-uns de mes camarades… Tu pourrais l’expliquer avec des mots un peu plus « basiques » ?

(Rires) Ouais, évidemment que ça vient de moi… Mais comment est-ce que je pourrais dire ça avec d’autres mots ? Hum… C’est du rock’n’roll explosif qui balance suffisamment pour te rendre dingue.

A ton avis, comment le groupe est-il perçu dans le monde (enfin, ce que tu en connais du moins) ?

Difficile à dire, difficile à dire… On a beau avoir sorti un album, bénéficier d’une tripotée de chroniques positives et tourner pas mal, la plus grande partie du monde est plus au courant du derrière d’une vieille Ecossaise moche qui a poussé la chansonnette à « Britain’s got talent »… (rires)

Leaded Fuel a été formé il y a (relativement) peu de temps, mais tout semble aller vite pour vous : un album et pas mal de concerts… Comment arrivez-vous à gérer ?

En fait, l’album a été enregistré il y a déjà un an et demi et puis on ne fait pas tant de concerts que ça en ce moment, tu sais : à peu près une dizaine cette année, dont environ la moitié à l’étranger. Comme il n’y a pas beaucoup de fric dans le milieu, c’est assez compliqué… Mais pendant un moment, ça a été plus intense, et là c’était vraiment stressant.

Qu’est-ce que tu préfères dans la vie rock'n'roll ?

Faire la fête en backstage [6] avec quelques gogo danseuses habillées en policières ! (rires)

Et quels sont vos projets pour les mois ou les années qui viennent ? (venir en France ?... (rires) [7])

Pour l’instant, on ne sait pas trop. On verra après le Summer Rest In Sleaze Festival [8] .

Tu veux rajouter quelque-chose ou dire quelques mots aux étudiants français ?

Ouais, la dernière fois que je suis venu en France, j’ai mangé des cuisses de grenouilles et j’ai adoré ça ! (rires)
Ah oui, aussi, jetez un œil au groupe BlackRain, de Haute-Savoie, ils sont cool !

[1] AOR : Album Oriented Radio ; l'abréaviation est utilisée pour parler d'un genre de rock très mélodique, calibré pour toutes les oreilles (amène des dérives parfois sirupeuses).

[2] Punk : jeu de mot avec le sens premier du terme.

[3] Initialement "faggy people"

[4] Référence à Myspace, dont le fondateur et premier 'ami' de chaque utilisateur est Tom.

[5] After ou afterparty : fête organisée par le groupe après un concert (souvent occasion de débauche aggravée).

[6] Backstage : désigne indistinctement le lieu et le moment hors-scène.

[7] Au cours d'une de nos conversation, Liz avait qualifié le France de "tiers-monde du rock".

[8] Rest In Sleaze Festival : festival organisé de façon biannuelle en Suède (hiver et été), à la mémoire de Dave Leppard, chanteur défunt du groupe Crashdïet. Le festiva tire son nom du premier album de Crahdïet (Rest in Sleaze, 2005). Cette année, le Summer RIS Festival se déroule le 25 juillet.

Raphaelle Chaize (L2)

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