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Lachapelle est un baudelairien comme les autres
Sexe, religion et violence, deux cents photos osées dans un palais très XVIIIème de la République: le concept pourrait étonner. Retour en arrière. Petit David n’a que six ans lorsqu’il prend sa première photo: on y voit une femme au corps parfait, sa mère, simplement vêtue d’un bikini de chez Frederick’s of Hollywood. Les couleurs y sont criardes et l’atmosphère on ne peut plus sexuelle: tout l’esthétisme du futur artiste est en fait contenue dans cette photo prophétique au kitsch séduisant. Quelques années plus tard, sa famille quitte le décor de la Nouvelle Angleterre pour la Caroline du Nord. Le jeune David fait alors la brutale expérience d’un nouveau monde, celui de la société de consommation. Fast-foods, hypermarchés et femmes refaites feront désormais partie de son quotidien. De cette expérience, mais aussi des années folles passées dans les boîtes de nuit de New York et de sa rencontre avec un certain Andy Warhol, naîtra son imagerie pop. David Lachapelle est l’artiste baroque de nos vanités, l’anti-Yann Arthus Bertrand. Le photographe se fait révélateur et créateur de Beauté, une Beauté artificielle, choquante, et donc immédiatement perceptible et refoulée par le commun, alors scandalisé à la vue de ses photos. De quelle beauté s’agit-il ? De celle du corps dans ce qu’il a de plus matériel et insignifiant - l’agencement d’une coiffure, par exemple. On est donc très loin d’une approche de la photographie comme révélatrice des âmes. De là naissent les thèmes majeurs du travail de Lachapelle : la célébrité, la publicité, ou encore le sexe. C’est que David est un photographe moderne, un photographe de l’éphémère, de surcroît tiraillé entre deux aspirations : Dieu et Satan, le sublime et la chute. C’est avec peine que le photographe tire ses clichés de l’univers boueux dans lequel il vit : la rue, la débauche des corps, la violence et les éclopés. L’alchimie se fait pas le medium de l’humour: « la drôlerie, nous dit-il, est une forme de beauté ». Bref, ne rangeons pas cet artiste hors norme du côté des petits publicitaires reconvertis: Lachapelle n’est pas un Beigbeder. La provocation, chez lui, n’est jamais gratuite, elle se fait au nom d’un engagement politique (contre la politique de Bush) ou idéologique (pensons à la série pieuse « Déluge », qui condamne le matérialisme et la surconsommation à l’américaine). Gare à ne pas se laisser avoir par les étalages de chair fraîche, les bouteilles de Coca-Cola géantes et autres hamburgers fétichisés: Lachapelle est un penseur de son temps. L’art et le bon goût ne font pas bon ménage, disait Truman Capote. L’œuvre de ce photographe en est une preuve supplémentaire, si besoin en était. Martin Rhodes (L3 Humanités)