Skip to Content

Artiste, modèle ou photographe : qui est Cindy Sherman ?

Cindy Sherman est aujourd’hui reconnue, à l’unanimité, comme le pilier de la photographie postmoderne. En élevant sa photographie au niveau d’art, elle a su créer un consensus critique et publique.

 
Les prestigieux musées d’art moderne de San Francisco et de New-York (SFMOMA et MoMa) ont exposé les œuvres de Sherman au cours de cette année. L’approche du SFMOMA était particulièrement intéressante puisqu’elle couvrait assez bien l’étendue de l’œuvre de Sherman. Après avoir contemplé le combat de boxe illuminé à travers la multitude de diodes, tombant du plafond du musée, agencé par Jim Campbell ; grimpé les marches baignées de la lumière émanant du puits canadien ; traversé la salle des modernes, surréalistes, contemporains ; rencontré des Dali, Hopper ou Warhol ; on est confronté, par un heureux hasard, à Cindy Sherman, immense, tapissée en trois fois sur le mur du musée, sans maquillage, le regard fixe et déguisé. Et déjà, on est plongédans l’univers postmoderne de l’artiste.
 
L’une des caractéristiques les plus appréciées dans les photographies de cette Américaine est la qualité « fait-maison » de ses photographies. Sherman est modèle et photographe. Seule dans le studio, cernée d’un florilège de perruques, costumes, faux-cils, faux-ongles, lentilles, prothèses et autres artifices, elle presse le déclencheur au moment où elle ne se reconnaît plus dans le miroir adjacent à son objectif.

 

Ci-dessus :Untitled #359. 2000. Courtesy the artist and Metro Pictures, New York.

 

L’œuvre de Cindy Sherman soulève de nombreuses problématiques et s’inscrit assurément dans son époque. Elle explore l’enjeu clé de la photographie qu’est l’identité grâce au format de « la photo d’identité ». A l’échelle substantielle, Cindy Sherman réécrit les conventions, les clichés féminins, l’artifice. Dès lors, on peut la considérer comme une artiste engagée. Son engagement a d’ailleurs évolué depuis ses premières apparitions, au début des années soixante-dix avec ses « Untitled film stills ».
 
En parcourant les quelques salles qui lui sont consacrées, on vieillit avec l’artiste. Tout commence avec les « Untitled film stills » (photos/ plans fixes de films sans titre), première série de l’artiste et déjà expression de son message. Il s’agit de clichés en noir et blanc, symbolisant des plans fixes de film de l’époque. Sherman en est le modèle. Il s’agit déjà de dénoncer les modèles que la société et les médias (cinéma et « séries B ») ont modelé et dans lesquels toute femme doit rentrer. Le titre de la série nous place déjà dans l’imposture : l’art est représentation, ici représentation d’une représentation, Sherman représente ce que représentent les médias de l’époque, c’est-à-dire une vision biaisée et misogyne de la femme. Séductrice, ménagère, garçon manqué ou star de cinéma, Sherman crée un répertoire d’identités d’une étonnante diversité qu’elle interprète et désavoue à la fois. Prisonnières des clichés, ces femmes sont condamnées au statut d’objet de série. Sherman remet la question même de modèle en cause.
 

 

 

 

On constate bien la subordination des personnages féminins, face à l’emprise de l’autre. Le sujet de la photographie devient objet du regard –un regard qui paraît d’ailleurs masculin, vues les positions adoptées- de l’autre, de notre regard. Cette première série de Sherman remet donc déjà en question le visiteur.
 
La dénonciation des modèles féminins de son époque est un but premier et récurrent de Cindy Sherman (voir ci-dessus,Untitled Still Films #29)
 
En se plaçant comme modèle unique de ses œuvres, Sherman pose également la question de l’identité. Dans sa série de 1992, « Sex pictures », la photographe utilise des mannequins. Le remplacement d’un personnage en chair et en os par des pastiches en plastique vise à dénoncer, par de nouveaux moyens, l’aspect factice de l’identité. Là repose une nouvelle problématique majeure de la photographie de Sherman.

 

 

Il semble que bien que beaucoup de ses photos soient des autoportraits, plus Sherman s’exhibe dans ses photographies, plus elle s’échappe en devenant autre. Finalement, on ne découvre pas sa personnalité et son identité en la regardant comme modèle mais comme auteure et photographe. Ainsi, il est évident que l’agressivité de sa série « Broken dolls » de 1999 (voir ci-contre) traduit la violence du divorce qu’elle traverse alors : l’art figure son émotion et on parvient à saisir un peu son identité et son état émotionnel. Voir ci-dessus : Untitled #333 (from the Broken Dolls Series). 1999

 

 

 

Si Sherman est aujourd’hui considérée comme un pilier du post-modernisme, c’est parce qu’elle prend, comme tous les modernes, la tradition à contre-pied, notamment dans sa série de 1988-1990 «History Portraits/Old Masters ». Il s’agit alors de dévoiler la superficialité de certaines pièces d’art historiques ainsi que notre rapport à l’art, souligner la distance entre souvenir et vérité comme dans le portrait ci-dessus, Untitled #216. 1989 The Museum of Modern Art, New York.

 

 

De façon générale, Cindy Sherman aime à faire tomber les masques de la société grâce à ses propres masques, comme avec sa série post-11-septembre de 2002-04, « Clowns » (ci-dessus : Untitled #425. 2004. Courtesy the artist and Metro Pictures, New York.)

 

 

Ci-dessus : L’identité du modèle disparaît totalement, réduit à un reflet dans les lunettes. On atteint également l’apogée de la représentation. Untitled #175. 1987. Courtesy the artist and Metro Pictures, New York.
 
En somme, quel que soit le sujet qu’elle aborde, dans sa production constante et abondante, Cindy Sherman s’attache constamment à livrer une œuvre claire et accessible. Sans-titre, ses photographies ont souvent un cadrage flou, laissant l’œuvre à la libre interprétation du spectateur. L’art est mis en abyme. Sherman pousse la représentation à l’extrême : création, tromperie et artifice participent de cette constante mise en scène.
 
Infos pratiques :
-          Exposition Cindy Sherman au MoMa (NYC) du 26 février au 11 juin 2012
-          Exposition Cindy Sherman au SFMOMA du 14 juillet au 8 octobre 2012
Sources :

 

http://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&sqi=2&ved=0CC0QFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.nytimes.com%2F2012%2F02%2F24%2Farts%2Fdesign%2Fcindy-sherman-at-museum-of-modern-art.html%3Fpagewanted%3Dall&ei=0oqbUO_qJdSY0QWV9YBY&usg=AFQjCNGchTkcc2QWYpYadWzZHhIt9tiXBA

http://elsadorfman.com/cindy.htm

http://www.gagosian.com/exhibitions/cindy-sherman--september-14-2012/exhibition-images

http://transatlantica.revues.org/1169

http://www.google.com/imgres?hl=fr&sa=X&biw=1024&bih=475&tbm=isch&prmd=imvns&tbnid=nyvnl63JsuVmkM:&imgrefurl=http://search.it.online.fr/covers/%3Fcat%3D1%26paged%3D57&docid=k207StbtiFP3mM&imgurl=http://search.it.online.fr/covers/wp-content/aneta-grzeszykowska-untitled-film-stills-15-2006.jpg&w=320&h=402&ei=sc-bUP2DHcXIhAer9oHQCQ&zoom=1&iact=hc&vpx=616&vpy=4&dur=354&hovh=252&hovw=200&tx=106&ty=40&sig=111942844331101246404&page=2&tbnh=141&tbnw=114&start=10&ndsp=15&ved=1t:429,r:13,s:0,i:109

http://www.puretrend.com/rubrique/actualites_r11/cindy-sherman-s-expose-au-moma_a62268/1/m10