Boris Vian : L'Ecume des jours (1947)

janv.
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L'Ecume des jours, édition originale, 1947.

 

Boris Vian, auteur extravagant, est un écrivain aux mille et une facettes, qui dans sa courte vie fut à la fois romancier, poète, chanteur, critique et musicien de jazz, ingénieur, scénariste, traducteur, conférencier, acteur et peintre ! Son roman le plus connu, L’Ecume des jours, nous conte une histoire d’amour, ou plutôt deux histoires d’amour, qui se déroulent parallèlement: l’une entre Colin et Chloé, que la mort, symbolisée par un nénuphar se croissant à l’intérieur de la poitrine de Chloé, va séparer ;  et l’autre, entre Alise et Chick, tous deux passionnés du philosophe Jean Sol Partre.

Tout ce que Boris Vian a fait de sa vie se trouve concentré dans ce roman, qui est son chef-d’œuvre. Il y explore avec un plaisir évident le rapport entre les mots et les choses et fait preuve d’une inventivité de langage extraordinaire, jouant avec les mots et l’orthographe pour entraîner le lecteur dans un tourbillon d’humour, d’ironie et d’insolence. Il y fait vivre aussi, sans complaisance, un univers cruel qui s’inspire de notre monde, mais en y alliant la douceur de ses héros auxquels le lecteur ne peut que s’attacher.

Le personnage principal de ce roman est Colin, un jeune homme aisé, qui aime le jazz et rêve d’amour. Colin rencontre Chloé chez une amie d’enfance Isis et, sous le charme de la jeune fille, l’épouse peu après. Tandis que son meilleur ami, Chick, un jeune ingénieur, s’éprend, lui, d’Alise. Colin, qui est la gentillesse même, prête de l’argent à Chick pour qu’il puisse se marier avec Alise, mais celui-ci, trop obsédé par le célèbre Jean Sol Partre, dilapide la somme en achetant l’ensemble des œuvres du philosophe qu’il idolâtre.

Boris Vian, dans L’Ecume des jours, aborde plusieurs thèmes qui lui sont chers et montre sa vision du monde. En premier lieu, on y retrouve son amour pour le jazz. Ce dernier  est un motif récurrent du roman : il est présent dans les inventions de Colin ― on se souvient de son fameux « pianocktail » ―  comme dans le prénom de Chloé, tiré du titre d’une chanson de Duke Ellington, un célèbre pianiste des années quarante. 

En outre, on a aussi, dans L’Ecume des jours, une critique évidente de la philosophie de Jean-Paul Sartre, avec de nombreuses références à La Nausée, ainsi qu’à la popularité du philosophe. Et, également, une satire de la religion, plus particulièrement dans l’épisode du mariage de Colin et Chloé et  dans celui de l’enterrement de Chloé, où les hommes d’Eglise apparaissent avides d’argent et dépourvus de morale et d’éthique.

Enfin, L’Ecume des jours témoigne aussi de la vision que Boris Vian avait du travail. Le roman dénonce en effet le caractère aliénant de celui-ci et ses conditions inhumaines, qui ramènent l’homme au rang de machine.

Ce roman aux débuts enchanteurs se termine mal. Plus l’histoire avance, et plus l’atmosphère s’assombrit et se fait grinçante. La fin laisse un goût amer au lecteur. Maniant la fantaisie et l’humour d’une main de maître, Boris Vian montre ainsi, à sa manière, combien le monde et les hommes peuvent être cruels, à travers une fiction qu’il nous dit « vraie puisque imaginée ».

 

Alicia TOSSUTTO – L1 Humanités