Hommage à Jérôme Robbins
Une nuit dansante, ou quatre petits ballets enchanteurs.
Samedi soir, 19h30, sur les marches de l’Opéra Garnier, une foule se presse. Un groupe de danseurs de rue multiplie cascades et figures de hip hop. Mais une partie de la foule ne s’arrête pas pour profiter du spectacle, elle s’engouffre précipitamment dans l’Opéra. Sonnerie. Montée des marches. Installation. Extinction des lumières. Ouverture du rideau, musique ! Pendant près de deux heures trente, les danseurs s’entrecroisent et tourbillonnent pour nous présenter quatre ballets.
En sol met en scène six couples de baigneurs, ambiance plage à travers les costumes rayés aux couleurs vives. Sur une musique de Maurice Ravel les danseurs exécutent en accord parfait leur chorégraphie puis laissent la place à Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche pour une danse de couple en harmonie totale. Trop vite le bruit des pointes s’estompe et les tutus filent vers les coulisses. Entracte.
Dans un deuxième ballet, nous quittons la plage pour pénétrer l’ atmosphère lourde, sensuelle de cette Triade. Quatre danseurs forment, déforment et reforment des couples mêlant le rouge, le bleu et le vert. La scène divisée forme un triptyque où la lumière rouge pèse sur les danseurs, plus aériens que jamais. Après un nouvel entracte, c’est sur Chopin que rentrent de nouveaux couples de danseurs. Sur les quatre Nocturnes pour Piano, trois couples se succèdent. L’éclair du bleu violet cède la place au fauve or qui s’estompe devant le gris orangé. Puis les couples reviennent ensemble, enchainant les portées des danseuses endiamantées et pailletées, sous des lustres de cristal. Mais trop vite Ludmila Pagliero, Jérémie Bélingard, Emilie Cozette, Karl Paquette, Aurélie Dupont et Manuel Legris s’envolent vers les coulisses, laissant le rideau retomber sur cette nuit étoilée.
The concert ou les malheurs de chacun fait résonner à nouveau Chopin et ses Pièces pour Piano, avec Vessela Pelovska (la pianiste) sur scène. Ce dernier ballet mêle comédie et entrechats. Des personnages venus entendre un concert se rencontrent, se disputent, se plaisent. Les tableaux s’enchainent, les rires fusent face à la chorégraphie faussement ratée d’ un corps de danseuse, devant la danse des zouaves ou encore face au mari brimé qui tente d’assassiner sa femme. Mélangeant danse, mime et humour, ce ballet n’oublie pas la poésie en nous présentant une danse des papillons. Des effets de symétrie et d’harmonie frôlent la perfection dans un jeu de parapluies à couper le souffle. La pianiste elle-même interprète un rôle sur scène. Quand les derniers accords sont plaqués, les applaudissements finis et le rideau baissé, on se sent des ailes aux pieds et un irrépressible désir de se lancer dans un enchainement de grands jetés, de glissades et d’arabesques. L’Opéra avec tant d’humour, de joie et de couleur, on en redemande.
Opéra Garnier, Paris. Du 21 avril 2010 au 8 mai 2010.
Marie-Alice Poisson, L3 Humanités