la jeune fille et la mort.

janv.
31

Critique d’une œuvre imaginaire :

                                       La jeune fille et la mort

          

 


  Après la parution de sa première œuvre, Nouvelle sans parole, en 2004 chez Flémarion ,  le mystérieux auteur H.G. frappe un second coup avec une nouvelle des plus sombres.
Winter, grand brun solitaire aux yeux noirs est un bel homme d’une trentaine d’années, de sa rencontre ne peut naître que l’inquiétude, son visage figé, ses traits inexpressifs dévoilent un être froid sans aucune compassion, incapable d’éprouver le moindre sentiment.

  Obsédé par l’envie de ressentir la douleur, il se rend à l’opéra pour assister à la représentation du quatorzième quatuor à corde de Schubert, où il fait la rencontre de Linda. La beauté de la salle, l’atmosphère qui y règne, cette tristesse qui émane du quatuor contrastent avec cette attitude impassible. « A droite et à gauche, entre de hautes colonnes, les avant- scènes restaient vides, drapées de lambrequin à longues franges. La salle blanche et or, relevée de vert tendre, s’effaçait, comme emplie d’une fine poussière par les flammes courtes du grand lustre de cristal […] les sanglots longs des violons emplissaient la salle d’une brume bleu tiède qui se répandait dans chaque cœur à la manière d’une fine pluie d’automne. Winter, avec le calme du prédateur, attendait, le temps ne lui paraissait ni court ni long, il s’était habitué à cet état d’immobilité permanent et ses traits lisses cachaient son désir de meurtre. »
Linda est une jeune adulte curieuse, éprise du désir passionné qui brûle les âmes sensibles. Ce bel homme l’intrigue, dès leur brève rencontre elle ressent l’envie de l’aimer, mais c’est dans un terrible piège qu’elle se jette. Winter entreprend son long travail de démolition, il va la faire souffrir, lui faire ressentir ce qu’il ne peut connaître : le désespoir.

   Le récit change alors de forme, on suit l’évolution de l’histoire à travers les points de vue des deux protagonistes qui relatent leurs sentiments par écrits. H.G. nous confronte à deux visions antagonistes d’une même histoire. Le style lourd de Winter, désireux d’assouvir ses pulsions meurtrières, s’oppose à la prose légère de la jeune femme éprise qui,  comme investie d’une mission, veut  permettre à cet homme de trouver le bonheur. Chaque entretien avec Winter est de plus en plus pénible et l’état de Linda ne cesse de dégénérer, il la soumet à des violences psychologiques de plus en plus fortes, et l’angoisse naissante dans le journal de Linda est insoutenable. Un soir il se rend chez elle et la trouve pendue, se balançant au bout de la corde avec la légèreté d’une pulsation musicale. Il la regarde sans réactions mais laisse échapper un rictus qui dévoile une canine blanche et pointue.

   Avec sa deuxième nouvelle, H.G. confirme la naissance d’une personnalité littéraire hors du commun et explore le terrain encore peu connu de l’histoire d’amour macabre. C’est avec curiosité que vous vous laisserez prendre par cet univers noir où l’horreur se mêle au désir fou d’amour d’une jeune inconsciente.

La jeune fille et la mort, Flémarion, Paris, 2004

Jean-Baptiste Guericolas