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La Tragédie du Roi Richard II - Festival d'Avignon 2010

Soixante-trois ans après la mise en scène de Jean Vilar pour la première édition du Festival d’Avignon, c’est Jean-Baptiste Sastre qui a remis en scène la pièce de William Shakespeare, La Tragédie du Roi Richard II. C’est donc le 20 juillet 2010 qu’elle fut représentée dans la Cour d’honneur du Palais des papes, avec la nouvelle traduction de Frédéric Boyer. Cette représentation tant attendue comportait comme acteur principal, dans le rôle du roi Richard II, Denis Podalydès de la Comédie Française, récemment vu dans le film La Conquête. Le spectacle a duré 2h45 sans entracte mais fut raccourci par la suite pour sa tournée en province.

            Dès le début de la représentation, le cadre qu’offrait la Cour du Palais des papes était parfaitement adapté à la scénographie de la pièce et apportait un aspect plus réaliste car elle symbolisait le château du roi. La scénographie à proprement parler de la pièce se composait essentiellement de trois éléments, présents durant toute la pièce et sans changements. Côté  jardin il y avait une longue poutre qui traversait la scène et côté cour, une large table située en diagonale à laquelle était assise une poupée-mannequin. Cette poupée était une métaphore du peuple anglais, comme souvent dans les pièces de Shakespeare. Néanmoins la présence de cet objet étrange a valu quelques interrogations sur son utilité. La table, quant à elle, était une miniature du plateau, sur laquelle se reposaient les acteurs entre deux scènes, comme la reine et sa suivante, et un endroit où le roi venait se plaindre de son sort.

La poutre était un immense trône, sur lequel les personnages étaient assis au début de la pièce et qui la quittaient au fur et à mesure de la pièce, signifiant la royauté qui s’éteignait. Pour le feu, situé côté jardin et à l’intérieur même de la poutre, c’est un peu l’idée que « l’Histoire se consume » selon Sarkis, scénographe de la pièce. Mais il évoque aussi l’incendie et la ruine, présage de la destruction ou la chaleur de l’âtre  où les personnages viennent se réchauffer.

 Ces éléments très symboliques n’avaient pas pour but d’être réalistes, mais de matérialiser l’espace et le temps. Les acteurs sortaient rarement de cet espace scénique créé par la poutre et la table, qui pouvait être considéré comme une frontière entre la scène et le hors scène et donc concevait des coulisses à vue. Ces deux éléments soulignaient la séparation entre un roi insouciant qui danse sur la poutre et un roi qui se lamente sur la table. C’était donc un décor minimaliste mais fortement symbolique et contemporain.

            L’éclairage quant à lui était aussi très simple mais très symbolique, il se faisait par un unique projecteur suspendu à un fil et qui traversait la scène. Il était imposant et rond, comme un œil, se focalisant sur la globalité de la scène ou un personnage en particulier. Il guidait ainsi l’œil du spectateur en lui montrant ce qu’il fallait regarder. D’ailleurs, au début de la pièce l’éclairage prenait l’ensemble de la pièce mais au fil du temps, il se resserrait sur Richard durant son monologue. Durant l’acte III scène 2, le projecteur devient un élément de la scénographie. En effet, Richard II s’adressait à lui comme à un soleil, mais un soleil illusoire car c’est un soleil de théâtre.

Les costumes, eux étaient assez représentatifs de cette pièce, à la fois classique et moderne. Classique par qu’ils faisaient écho au monde médiéval, avec la cote de maille, le heaume, la couronne, etc. Mais moderne grâce aux couleurs utilisées comme le rouge pour la robe de la reine et aux matières comme la robe noire à paillettes de John de Gaunt, ainsi que les costumes de pêcheurs des assassins de Richard. Il n’y avait pas de changement de costumes sauf pour Richard, ce qui marquait l’évolution du personnage. Du brun-gris au blanc en passant par le rose, on le voyait dans la dernière scène vêtu d’une robe blanche comme un linceul. Il n’y a donc pas de réel parti pris dans les costumes, car ils mélangent tout. Le costume du personnage d’Aumerle, le bouffon du roi, le montre bien : il est à la fois classique car toutes ses couleurs et son jeu font penser à un bouffon et pourtant il est tout de même moderne par le tissu. Il n’y a pas plus de cohérence dans les accessoires. On a la fois des accessoires à forte connotation, comme la couronne, le spectre, l’orbe à la croix et le trône. Mais on a aussi des accessoires futiles comme la lettre d’Aumerle, les épées et les heaumes ainsi que le panier des jardiniers.

Au niveau du jeu des acteurs, l’ensemble était un peu flou. A la fois tragique lors de la lamentation de la veuve, comique parfois, burlesque lorsque le roi fait le funambule sur sa poutre. Les comédiens étaient totalement chancelants, même si le talent de certains est avéré. La voix ne portait pas assez pour la plupart d’entre eux, ce qui créait un vaste flou qui laissait couler les vers de la traduction de Frédéric Boyer et ainsi berçait le spectateur. On accable moins Denis Podalydès, qui donna un Richard  très inégal et ennuyeux, mais offrant le meilleur de lui-même à quelques moments. Sastre a choisi de féminiser plusieurs des rôles comme celui de Thomas Mowbray, joué par Bénédicte Guilbert, de l’évêque Carlisle, par Florence Delay  ainsi qu’un des courtisans de Richard, Green, joué par Cécile Braud. Mais pourquoi ces travestissements ?  Sans doute que Jean-Baptiste Sastre voulait jouer sur la sensualité, ce qu’il montrait dans le jeu de ses acteurs, augmentant le nombre de caresses et de baisers. Ainsi, il n’y avait pas vraiment de parti pris entre modernité et classicisme dans cette pièce qui jouait sur les deux tableaux.

  En conclusion, la tragédie déçoit par le manque de charisme de son personnage principal, puis par la scénographie de la pièce qui n’est pas du tout subtile, après par une mise en scène statique et sans imagination enfin, par un jeu qui joue sur tous les registres sans faire de choix.

 

Mélanie Desprez, L1 Humanités.